Paris, veuve Maurice de la Porte, 1553.
In-8 de (8) ff. avec 3 portraits en buste : Ronsard, Cassandre et Muret, 262 pp. (mal ch. 282), (1) f.
Plein veau brun granité, filet à froid autour des plats, dos à nerfs richement orné, mors supérieur restauré, pièce de titre en maroquin rouge, tranches jaspées rouges. Reliure française du XVIIe siècle.
156 x 96 mm.
Seconde édition originale de deuxième émission (sur trois) de l’œuvre majeure de Ronsard.
C’est dans cette édition que paraît pour la première fois la fameuse Ode à Cassandre : « Mignonne, Allon Voir si la Rose », l’un des plus beaux poèmes de la littérature occidentale (page 266).
J.P. Barbier, Ma bibliothèque poétique, II, pp. 36 à 41 ; Tchemerzine, V, 421 ; A. Péreire, Bibliographie des œuvres de Ronsard « Bulletin du Bibliophile », 1937, pp. 352-360.
« Cette odelette ravissante et peut-être le plus célèbre des poèmes du Vendômois… Ronsard l’a placée à la fin de ces ‘Amours’, comme on place une pointe particulièrement réussie à la fin d’un sonnet.
Le recueil entier se trouve rehaussé, d’être si merveilleusement clos. » J. P. Barbier.
La première édition fut publiée l’année précédente, en 1552.
Le recueil de 1552 comprend 183 sonnets, une « Chanson » et une « Amourette ».
Il connut un grand succès et fut réédité sept mois plus tard, diminué de deux sonnets, augmenté de 39 autres inédits, d’une « Chanson » et de quatre odes, et accompagné d’un très riche commentaire que l’humaniste Marc-Antoine de Muret avait rédigé pour mettre l’érudition ronsardienne à la portée du lecteur.
« Dans cette édition des « Amours », impr. en 1553 se trouve le sonnet que Mellin de Saint-Gelais adressa à Ronsard après leur réconciliation ». (Brunet)
« Cette deuxième édition des ‘Amours’ est précieuse, non seulement pour les sonnets et pièces inédits qu’elle contient, mais parce que parmi ces pièces se trouvent deux œuvres célèbres : le Voyage aux Iles Fortunées, et surtout l’Ode à Cassandre ‘Mignonne, allon voir si la rose… ‘. Et puis il y a le commentaire de Muret, inédit lui aussi, qui mettait d’un seul coup le poète de 29 ans au rang des auteurs classiques, puisque son œuvre méritait d’être abondamment expliquée aux lecteurs non avertis, que tant de nouveautés et de si savantes allusions mythologiques auraient pu dérouter ».
Jean-Paul Barbier.
Ce recueil a pour inspiratrice une femme réelle, Cassandre Salviati, fille d’un banquier florentin établi à Blois. Ronsard la rencontra à un bal de la cour en 1545. Elle se maria peu de temps après, échappant sans doute aux prises du poète.
« Il ne faut pas lire ‘Les Amours’ comme une œuvre autobiographique, mais comme le journal d’une vie amoureuse rêvée. Cette œuvre appartient à la mode naissante des « canzoniere » pétrarquistes. C’est dire que le projet amoureux est élevé, ambitieux et quelquefois désespéré. Dans le prolongement de la tradition courtoise, l’amant considère la belle comme un être absolu, lieu de beauté de ravissement, lieu aussi d’une cruauté qui peut se manifester sans justification. Il se partage entre l’admiration, l’obéissance et le reproche. Une telle matière requiert un style « haut », riche en figures, dans lequel Ronsard se montre plus souvent grand poète qu’imitateur précieux. Les ‘Amours’ sont redevables aussi à la tradition du néoplatonisme finicien : l’amour est une des ‘fureurs’ qui permettent à l’âme de retrouver l’Un, son lieu d’origine ; dans la sérénité, la femme conduit l’amant à la Beauté. Mais, chez Ronsard, ces inspirations sublimées ne sont pas sans contrepartie. Violemment sensuel, l’amant de Cassandre est l’un des rares poètes pétrarquistes à revendiquer les droits de la chair. Il use ainsi de propos sans équivoque et d’images audacieuses.
Définir ‘Les Amours’ de 1552-1553 comme abstraits, précieux et conventionnels, c’est ne les avoir lus qu’en surface. Ils révèlent au contraire un amoureux fou, pressé de rompre avec cette introversion qu’aimait le soupirant-transi : poésie sauvage sous un vêtement d’apparat. »
L’édition originale de 1552 est fort rare et très difficile à trouver en condition d’époque. Aussi les amateurs se contentent-ils d’exemplaires en reliure moderne.
La seconde originale de 1553 « en reliure ancienne », est, elle aussi, très difficile à trouver.
Imprimée en caractères italiques pour les vers et en caractères romains pour la prose, cette élégante édition est ornée des beaux portraits gravés sur bois de Ronsard, Cassandre et Muret.
« The woodcut portraits of Ronsard and Cassandre, with Greek verses by Baïf on the bottom, generally attributed to Jean Cousin, were in fact drawn by Nicolas Denisot (see the poem addressed to him by Ronsard on p. 210). They were already printed in the first edition of 1552 and are regarded as the first example of an effigy of a living poet portrayed cheek by jowl with his love ».
Précieux exemplaire conserve dans sa reliure française du XVIIe siècle en veau brun granité.