GARNIER, Robert. Les Tragedies de Robert Garnier Conseiller du Roy, Lieutenant general Criminel au Siege Presidial et Senechaussée du Mayne. Au Roy de France & de Pologne. Lyon, Pierre Rigaud, 1615.
Petit in-12 de 704 pp. Relié en vélin souple de l’époque, dos lisse avec le titre manuscrit en tête, liens en cuir. Vélin légèrement taché, petit manque de vélin en haut du plat inférieur. Reliure de l’époque.
121 x 80 mm.
Édition collective de la plus grande rareté des tragédies de Robert Garnier, « le plus grand auteur dramatique de la Renaissance ». Tchemerzine, III, 436, Inconnu de Brunet et de Soleinne.
La présente édition renferme huit pièces du poète : Porcie, Cornélie, Marc-Antoine, Hippolyte, La Troade, Antigone, Les Juives et Bradamante. Chaque pièce avait d’abord paru séparément de 1568 à 1583. La première édition collective, publiée à Paris en 1580, ne comportait que ses six premières pièces.
Robert Garnier (La Ferté-Bernard, 1544 – Le Mans, 1601) est reconnu comme le plus grand auteur tragique de la Renaissance. Il est l’auteur de la première œuvre tragique française, et il marque un moment capital dans l’histoire du genre. Il fut couronné en 1563 à l’académie des jeux floraux de Toulouse. A l’exception de Bradamante, tragicomédie, toutes ses pièces sont des tragédies. En matière éditoriale, Garnier suit l’exemple de Ronsard, dont l’œuvre se développe depuis 1560, au fil des rééditions des Œuvres, augmentées et remaniées. Dans un sonnet liminaire pour Cornélie, Ronsard célèbre le triomphe de Garnier sur Jodelle : le premier retrouve « le vieil artifice des Grecs », et il mérite « le vieil cothume d’Euripide ». Dans un sonnet pour la même œuvre, A. Jamyn estime que le dramaturge a assimilé « la Muse romaine et grégeoise », et qu’il opère la translation du genre en France. Dans les deux cas, l’accent est mis sur l’héritage grec, que Garnier a su joindre à l’imitation de Sénèque, pratiquée depuis l’origine du genre. La qualité du théâtre de Garnier tient avant tout à son style, ou plutôt à ses styles, car il faut distinguer au moins la parole du chœur de celle des personnages. La réussite du théâtre de Garnier tient à la vigueur avec laquelle il fait s’affronter les points de vue contradictoires de ses personnages. On a souvent cherché l’originalité du théâtre de Garnier dans sa portée politique, et il est évident que la vigueur des confrontations verbales et morales que ses pièces organisent va dans ce sens. A la Renaissance, le théâtre reste (idéalement) un spectacle de cour, et à ce titre il est un instrument au service d’une politique de paix : ce constat vaut autant pour les tragédies de Garnier que pour sa tragi-comédie. S’il peut inviter à méditer sur les malheurs du pays, c’est que leur représentation même aide le public à les considérer de l’extérieur.
« Garnier a mené parallèlement à sa carrière d’auteur dramatique une carrière de magistrat au Parlement de Paris (1567), au Présidial du Mans (1569) et au Grand Conseil du roi (1586). Ses huit pièces, composées sur une quinzaine d’années, ont été écrites pour un public réel, et souvent représentées à la fin du XVIe siècle dans des mises en scène réclamant des acteurs nombreux et un accompagnement musical. Puisant, comme beaucoup de ses contemporains, dans le théâtre grec (Euripide et Sophocle) et dans Sénèque, Garnier a abordé dans ses sept tragédies tantôt des sujets grecs – ‘Hippolyte’, 1573, ‘La Troade’, 1579, ‘Antigone’, 1580– , tantôt les guerres civiles romaines – ‘Porcie’, 1569, ‘Cornélie’, 1574, ‘Marc Antoine’, 1578–. ‘Les Juives’ sont sa seule tragédie inspirée de l’Ancien Testament ; mais on retrouve dans l’ensemble de son théâtre l’écho des conflits des temps troublés des guerres de religion. L’unique tragi-comédie de Garnier, ‘Bradamante’ (1582), qui est aussi la première du théâtre français, en s’inspirant du lyrisme épique de l’Arioste, mêle comme lui le romanesque et le comique, tout en imaginant une réconciliation politique providentielle, qui contraste avec le désespoir que l’auteur aurait éprouvé dans les dernières années de sa vie devant la situation politique de la France. » (En Français dans le texte, n°75).
Séduisant exemplaire d’une grande pureté, grand de marges car conservé dans sa première reliure en vélin souple à recouvrement de l’époque.
Localisation des exemplaires dans le monde: 1 seulement à la Médiathèque du Mans. Absent de la B.n.F.
Provenance : ex libris manuscrit d’un certain Boyer répété sur le titre et à la fin du texte (« In patiditia uatoa possedibitis animas curtoas Boyer »), de la collection Henri Debard (cachet sur une garde).