[VOLTAIRE]. Remontrances du corps des pasteurs du Gévaudan, à Antoine Jean Rustan, Pasteur Suisse à Londres. Amsterdam, 1768.
[Relié avec] : I/ [COYER, Gabriel-François.] De la prédication. S.l.n.d. [1766].
[Et] : II/ [VOLTAIRE]. Le Philosophe ignorant. S.l. (Berlin ?), 1766.
Soit 3 ouvrages reliés en 1 volume in-8 de : I/ (1) f. de titre et 176 pp. ; II/ (2) ff. et 107 pp. ; III/ 29 pp. Plein veau brun marbré, filet à froid encadrant les plats, dos à nerfs orné, pièce de titre de maroquin rouge, filet doré sur les coupes, tranches rouges. Reliure de l’époque.
160 x 98 mm.
Le texte, qui s’organise en 56 questions à travers lesquelles Voltaire résume toute sa pensée philosophique, est suivi de contes et écrits qui paraissent pour la première fois en 1766 : Petite digression (conte qui sera ensuite republié sous le titre des ‘Aveugles juges des couleurs’), Aventure indienne traduite par l’ignorant (conte), Petit commentaire de l’ignorant sur l’éloge du Dauphin de France composé par Mr. Thomas et Supplément au Philosophe ignorant. André des Touches à Siam (qui ne sera pas réimprimé dans les éditions ultérieures du Philosophe ignorant).
I/ Édition originale de cet essai philosophique du plus haut intérêt par un contemporain de Voltaire. Barbier, anonymes, III, 988.
« Vous savez sans doute que le livre de la Prédication, ou contre la prédication, est de l’abbé Coyer. Toute la partie du livre où il se moque des sermonneurs est fort bonne, et la partie où il veut établir des censeurs lui en attirera » (Voltaire, Œuvres complètes, Lettre à M. le Marquis de Florian).
« L’abbé Coyer, contemporain de Voltaire et de Rousseau, et qui, bien qu’il eût été jésuite, mérite une place honorable parmi les écrivains de second rang du dix-huitième siècle, l’abbé Coyer avait des lecteurs vers l’an 1760, et ce fut à cette époque qu’il publia, dans un recueil d’opuscules, un essai intitulé ‘De la prédication’. C’est dans cet essai que se trouve le nœud de mon faible pour l’abbé Coyer. Un ancien jésuite faisant l’éloge de la ville de Calvin et la proposant comme un modèle, cela me parut piquant, et je lus jusqu’au bout cet essai de la prédication que j’avais ouvert par hasard. La lecture achevée, je ne pus m’empêcher de reconnaitre que l’auteur avait tout au moins le mérite d’avoir soulevé une question des plus importantes, et qui est devenue la plus grande de notre époque. En effet, la question traitée par l’abbé Coyer n’est autre que celle-ci : Où doit être placée dans la société la force moralisatrice ? Qui doit l’appliquer, la diriger, la régler ? Sont-ce les ministres de la religion ? Sont-ce les poètes dramatiques, épiques, satiriques ?… L’abbé Coyer est un esprit indépendant, chose plus rare qu’on ne pense à son époque, et je lui sais gré de s’être montré aussi affranchi à l’égard des philosophes et de l’école voltairienne. On sait, en effet, qu’aux yeux de Voltaire et de ses disciples la question de l’abbé Coyer n’en était pas une : le théâtre et la philosophie répondaient à tout, et la société n’avait pas besoin d’autres agents moralisateurs. Notre abbé est très loin d’une telle ineptie, et personne, avant lui, n’a mieux parlé de l’impuissance des deux fétiches du patriarche de Ferney… Le jugement que porte Coyer sur le peu de secours qu’on peut attendre de la philosophie pour la réformation des mœurs est encore plus remarquable, car lui-même était du métier, et n’estimait rien tant que la philosophie, c’est-à-dire le pur déisme, comme il le laisse assez voir… Le jugement de Coyer sur les effets de la prédication chrétienne ne devait pas satisfaire davantage les encyclopédistes. Coyer ne reproche à cette prédication que d’être insuffisante, et encore à un moindre degré que la philosophie. C’était une accusation bien fade pour Voltaire. » (Bibliothèque universelle de Genève, 1846, 4e série, t. 3).
Précieux exemplaire réunissant trois textes philosophiques du plus haut intérêt dont une originale de Voltaire, tous trois révélateurs des questions soulevées par les penseurs de l’époque, conservé dans sa pleine reliure de l’époque.
II/ Rare édition publiée l’année de l’originale de ce texte dans lequel Voltaire résume toute sa pensée philosophique. Bengesco, n°1731.
« Voltaire est âgé de 72 ans lorsque paraît ‘Le Philosophe ignorant’, malicieuse invitation à un voyage autour du monde de la philosophie. Raillant Descartes, Spinoza et Leibniz, louant les analyses de Pierre Bayle et de John Locke, Voltaire critique avant tout l’esprit de système des philosophes, que guettent les travers de son Pangloss. Contrairement à eux, le philosophe ignorant qu’est Voltaire ne dissimule pas ses contradictions : oui, on peut être à la fois déiste et profondément sceptique ; oui, on peut soutenir que les principes de la morale, comme toutes les idées, s’acquièrent par les sens, et néanmoins affirmer qu’il existe une morale universelle et naturelle fondée en Dieu. Car le philosophe ignorant ne cesse de rechercher la vérité… »
III/ Rare édition originale des ‘Remontrances du corps des pasteurs du Gévaudan’ écrit par Voltaire en réponse aux ‘Lettres sur l’état présent du christianisme’ du pasteur Antoine-Jacques Roustan. Bengesco, n°1765.
« Antoine-Jacques Roustan, né en 1734 à Genève, où il est mort le 18 juin 1808, desservit pendant vingt-six ans l’église helvétique de Londres (1764-1790). Il avait publié en 1768 des ‘Lettres sur l’état présent du christianisme et la conduite des incrédules’. ‘C’est, dit Beuchot, l’origine des ‘Remontrances’ et des ‘Instructions’ qui les suivent ; ces deux pièces parurent ensemble en 29 pages in-8, en septembre 1768’. Condamnés par décret de la Cour de Rome du 1er mars 1770. » (Bengesco)
« 1 octobre 1768. Antoine Jean Rustan, Pasteur Suisse à Londres, s’est avisé de publier un Ouvrage qui a pour titre : ‘L’Etat présent du christianisme’. Il n’a pu résister à la rage de mordre M. de Voltaire. Tout théologien croit lui devoir au moins un coup de dent en passant. Celui-ci d’ailleurs était personnellement en reste avec lui. Le Philosophe de Ferney n’a pas tardé à prendre sa revanche. Il vient de publier une petite brochure de près de 30 pages, sous le nom de ‘Remontrances du Corps des Pasteurs du Gévaudan à Antoine Jean Rustan’. Il ne parait point en champ clos comme le premier, armé de toute l’armure scolastique, & cherchant à écraser son adversaire sous le poids de son érudition ; mais il voltige autour de lui, il le harcelle légèrement, il le couvre de ses sarcasmes, & le laisse en cet état exposé à la risée publique ». (L. Petit de Bachaumont, Mémoires secrets pour servir à l’histoire de la République des lettres, p. 112).