Londres, 1752.
In-12 de (1) f. de titre et 257 pp. Relié en plein veau havane, dos à nerfs orné de fleurons dorés, pièce de titre de maroquin havane, tranches rouges. Reliure de l’époque.
156 x 91 mm.
Rare seconde édition de « Micromégas », publiée quelques semaines seulement après l’édition originale devenue introuvable. Bengesco 1429 ; Catalogue général des livres imprimés de la B.n.F., Voltaire, n°2908.
Dans ce roman philosophique, Voltaire imagine que Micromégas, un habitant de la planète Sirius, aux proportions gigantesques, a été condamné à ne pas se présenter à la Cour pendant de longues années à la suite de la publication d’un de ses livres – l’allusion au théatin Boyer, qui avait attaqué Voltaire à l’occasion de ses Lettres philosophiques, est évidente. Il entreprend un voyage sur la planète Saturne et y fait connaissance avec l’un de ses habitants, un nain en comparaison de ceux de Sirius, dans lequel on reconnaît une représentation caricaturale de Fontenelle, l’auteur des célèbres Entretiens sur la pluralité des mondes, qui s’était allié aux ennemis de Voltaire.
En s’entretenant des sujets les plus divers, les deux voyageurs arrivent sur notre globe sans même s’apercevoir de l’existence de ses habitants dont les proportions sont si réduites qu’elles échappent à leurs sens. En se faisant d’un diamant une sorte de microscope, Micromégas découvre d’abord une baleine, qu’il observe en la tenant sur l’ongle de son pouce, puis un vaisseau portant des hommes, que les voyageurs prennent d’abord pour des insectes, mais en qui ils finissent par reconnaître des êtres doués d’une âme, une fois qu’ils ont réussi à se faire comprendre d’eux et à comprendre leur langage. Nous assistons ensuite à un banquet de philosophes appartenant aux diverses écoles, et qui exposent successivement leurs théories sur la nature de l’âme et la formation des idées. Au moyen de ces exposés, l’auteur se livre à une critique satirique de l’aristotélisme, ainsi que des systèmes de Descartes, de Malebranche et de Leibniz. Seul un disciple de Locke, dont les idées avaient séduit l’esprit de Voltaire, trouve grâce aux yeux des étrangers. Mais une tempête soudaine interrompt le colloque : tout disparaît aux yeux des voyageurs jusqu’à ce que Micromégas retrouve dans une poche de sa culotte le vaisseau ainsi que l’équipage, auquel il adresse des paroles pleines de bonté tout en déplorant l’orgueil ridicule de ces êtres minuscules.
« Dans ‘Micromégas’, l’esprit mordant de Voltaire, inégalable dans l’art de dissocier tout un système au moyen d’une anecdote, cet esprit rusé et malicieux, qui sait se déguiser sous un masque d’ingénuité et d’innocence, s’exprime comme toujours dans un style d’une parfaite pureté. On voit s’affirmer ici, chez l’écrivain ami des Lumières et du progrès, la vision désolée d’une humanité ignorante et sotte, infiniment petite et démesurément orgueilleuse ». (Laffont-Bompiani).
La véritable édition originale de Micromégas est rarissime. Les quelques exemplaires de ce texte passés sur le marché public français depuis 20 ans et décrits comme « Edition originale » appartenaient généralement à cette seconde édition.
« Clément, dans ses ‘Cinq années littéraires (lettre du 15 mars 1752) et les auteurs des ‘Mémoires pour servir à l’histoire des sciences et des beaux-arts’ (Journal de Trévoux, avril 1752), parlent, dès les mois de mars et avril, de l’édition de ‘Micromégas’ en 92 pp. ; tandis que c’est en mai et juin 1752, qu’il est question, dans la correspondance de Voltaire, de l’édition de ‘Micromégas’ avec ‘l’Histoire des Croisades et le Plan de l’histoire de l’esprit humain’’’ (Bengesco).
Précieux exemplaire conservé dans sa pleine reliure de l’époque au dos finement orné.