Anno m.d.xv. kl. Martii. (mars 1515).
In-folio composé de 232 ff. sous les signatures A-QQ, y compris le frontispice (seuls les ff. 4 à 73, contenant les 5 premiers livres des Annales, sont chiffrés), et 10 ff. Demi-veau sur ais de bois, dos à nerfs, traces d’attaches, « Cornelius Tacitus » calligraphié à l’encre brune sur la tranche inférieure. Reliure strictement de l’époque.
335 x 230 mm.
Edition princeps des Annales de Tacite, « le plus grand peintre de l’Antiquité ». (Jean Racine). Références: Norton, Italian printers 1501-1520, p. 99: “Guillereti’s first work after the end of the partnership [J. Besicken] was his most important, the edition of Tacitus of 1 march 1515.
Précieux exemplaire imprimé sur grand papier à marges immenses : hauteur 331 mm.
“The first six books of the Annals survive in a single manuscript [it] was taken to Rome and came into the possession of Pope Leo X. Leo gave it to Filippo Beroaldo the Younger who used it to produce an impressive edition princeps in 1515” (R.J. Tarrant, in Texts and Transmission, 1983, pp. 406-07).
« Cette édition précieuse est mise au rang des éditions princeps, parce qu’elle est la première qui contienne les cinq premiers livres des Annales. » (Brunet, V, 633).
« Première édition contenant les cinq premiers livres des Annales » (Deschamps II – 719)
Cette édition originale a permis à Chateaubriand d’atteindre le sommet de la littérature française : « Lorsque, dans le silence de l’abjection, l’on n’entend plus retentir que la chaîne de l’esclave ou la voix du délateur : lorsque tout tremble devant le tyran, et qu’il est aussi dangereux d’encourir sa faveur que de mériter sa disgrâce, l’historien paraît chargé de la vengeance des peuples. C’est en vain que Néron prospère. Tacite est déjà né dans l’Empire. » (Chateaubriand).
Outre des pièces liminaires (dédicace à Léon X, Béroalde au lecteur, « Franciscus Puteolanus lacobo Antiquario ducali Secretario… » et, en fin d’ouvrage une lettre de Léon x à Béroalde), ce volume contient les Historiae et/ou Annales livres i-v, xi-xxi, la Vita Agricolae, De situ et moribus Germaniae, et le Dialogus an sui saeculi oratores antiquioribus et quare concedant. Errata après les 5 premiers livres. Au dernier feuillet recto : errata, registre et colophon et, au verso : armes de Léon X.
L’éditeur, Philippe Béroalde le jeune (neveu de F. Béroalde l’ancien, 1453-1505) naquit en 1472, fut bibliothécaire de Léon x [Jean de Médicis], auteur de poésies latines, et enfin professeur à Bologne puis à la Sapienza. Mais son titre de gloire est d’avoir publié l’édition princeps des premiers livres des Annales de Tacite d’après le manuscrit découvert dans l’abbaye de Corvey (fondée en 822, près de Paderborn, par des moines de Corbie en Picardie.) Béroalde mourut en 1518. Léon X avait chargé des envoyés de lui rapporter livres et manuscrits précieux. Ce fut un prêtre du diocèse de Liège, Jean Heitmers qui, sans scrupules sur les moyens, extorqua au monastère de Corvey un manuscrit d’une très haute valeur puisqu’il contenait les cinq premiers livres des Annales de Tacite qui n’avaient pu être retrouvés jusque là. « Léon X eut si peu de scrupules concernant la provenance de ce trésor, écrit Pastor, que dans un des brefs donnés à Heitmers, il parle tout simplement du vol du manuscrit qui, dit-il, après avoir passé par beaucoup de mains, est enfin venu en sa possession et, pour consoler l’abbaye, il ajoute « Nous avons envoyé un exemplaire du livre corrigé et imprimé avec une belle reliure, à l’abbé et aux moines, pour prendre dans la bibliothèque la place du manuscrit volé. Afin qu’ils puissent reconnaître que ce larcin leur a produit plus de profit que de dommage, nous leur avons accordé une indulgence plénière pour leur église. » (H. Elie, “Etienne Guillery”, Gutenberg Jahrbuch, 1932 et 1942-1947).
Cette édition princeps de 1515 narre le long règne de Tibère (14-37 ap. J.-C.). Celui-ci est, dès l’abord, présenté comme simulateur, et son histoire est celle d’un despote dont l’ambition, la cruauté, les méfiances se révèlent peu à peu. Par des manœuvres louches, il dépouille le Sénat et les magistrats de tout pouvoir effectif ; par des accusations de plus en plus répétées de crime de lèse-majesté, il décime la noblesse : aidé par des ministres sans conscience (parmi lesquels Séjan) qu’entraînèrent la folle ambition et les manœuvres tortueuses de Tibère, il étouffe enfin les élans vers toute supériorité morale et toute liberté. Les procès, les scandales et les crimes atteignent même la famille impériale. Tacite interrompt un instant la description de ces lamentables misères pour comparer sa tâche pénible d’historien de l’Empire avec celle des chroniqueurs, qui contèrent les glorieuses entreprises et les luttes héroïques de la République. Pourtant les expéditions heureuses ne manquent pas, comme celles de Germanicus contre Arminius.
Les qualités et les défauts de l’œuvre, liés à cette vision particulière de l’histoire, propre à Tacite, confèrent aux Annales, une place unique dans l’historiographie ancienne, et à leur auteur non seulement la réputation d’un grand artiste (le style conserve et accentue les particularités révélées par les Histoires), mais aussi celle d’un profond connaisseur de l’âme humaine.
Valeur de l’exemplaire : à la vente Solar, le présent volume fut vendu 175 F or et 123 F or le n° 1060 : François Villon. « Le Recueil des Repues franches de maistre Françoys Villon et ses compaignons. S. l. n. d. (v. 1520). La marque de G. Nyveird est à la fin. Petit in-8, gohique. mar. br. f. comp. doub. de mar. r. comp. tr. d. (Koehler). ». Bel exemplaire A. Bertin. (Valeur actuelle : 150 000 €).
En 1878 le présent volume était vendu 500 F or (Deschamps, 719) tandis que l’extraordinaire Rabelais de 1537 de Madame de Pompadour était adjugé un peu plus du double : « N° 625. (Rabelais) – La vie inestimable du. grant Gargantua, père de Pantagrue1, iadis cõposee par L’abstracteur de quinte essence. Liure plein de pantagruélisme M.D.XXXVII. 1537. On les vend a Lyon chés Francoys Iuste, deuant nostre Dame de confort. In-16, goth., de 119 ff. ch.; mar. citron, orn. sur les plats, tr. dor. (Trautz-Bauzonnet). Édition fort rare, qui reproduit celle de 1535, la plus ancienne connue avec date de ce premier livre de Rabelais. Très bel exemplaire, réglé, ayant appartenu à Madame de Pompadour dont les armes, qui étaient sur l’ancienne reliure, ont été adaptées à l’intérieur de la nouvelle ». (Valeur actuelle : 350 000 €). »
Précieuse édition et superbe volume, le seul apparu sur le marché depuis plusieurs décennies imprimé sur papier fort, conservé dans sa reliure de l’époque non restaurée et enrichi de nombreuses notes du temps calligraphiées sur les immenses marges blanches de l’exemplaire.