Lyon, Jaques Moderne dit Grad Jaques, s.d. [vers 1530].
In-8 de (36) ff. (A-I4) dont 1 titre gravé dans une bordure, gothique à longues lignes, 12 gravures sur bois à pleine page, ptes. déchirures à 3 ff. sans manque, pte. restauration dans la partie supérieure du f. B3. Maroquin brun janséniste, dos lisse avec le titre doré en long, filet doré sur les coupes, triple filet doré intérieur, tranches dorées. Gruel.
162 x 113 mm.
Rare édition de l’Ars Moriendi « Art de bien vivre et de bien mourir » illustré de xylographies, petit livre de piété dont on ignore l’auteur et la date de composition, et dont il y eut plusieurs traductions. Dutuit, Livres xylographiques, I, p.62 ; Graesse, Trésor de Livres rares, 47 ; Brunet, I, 512 ; Baudrier, XI, 516-517 et 512 ; Pogue, Jacques Moderne, n°67.
Guillaume Tardif, lecteur de Charles VIII, fut, selon Émile Mâle, l’auteur de cette libre traduction du texte des anciennes éditions xylographiques, dans laquelle le latin concis et obscur est « traduit, expliqué, développé par un véritable écrivain qui parle une langue grave et un français déjà classique ».
Les premiers exemplaires de « l’Ars Moriendi » illustré apparaissent vers la moitié du XVe siècle avec des xylographies d’une efficacité tellement dramatique qu’elles ont contribué, à elles seules, beaucoup plus que le texte, à la diffusion très importante du petit livre : chaque image est placée en regard du texte, et illustre tour à tour la tentation du diable et la bonne inspiration de l’ange agonisant.
Au fil des décennies (une des dernières éditions est de 1538), l’Ars devient un genre littéraire, et cependant il tend à se cristalliser, tandis que les illustrations deviennent de plus en plus grossières et se simplifient au maximum ; toutefois quelques thèmes du drame qui se déroule dans l’âme du fidèle au moment du trépas, représentés par l’ars moriendi, sont accueillis dans les traités contemporains sur les « novissima », lesquels, outre les thèmes, qui sont propres à l’Ars, en contiennent d’autres (Ubi sunt, de la description de l’agonie, etc.).
L’esprit et la substance des artes moriendi passèrent aussi dans bien d’autres livres de piété, et il survécut quelque chose d’eux dans les innombrables exhortations aux malades et aux moribonds qui furent publiées, surtout en France, au cours du XVIIe et XVIIIe siècles.
Cette curieuse édition contient en plus de « l’Ars moriendi » « les Dix et les Cinq commandements » et « les Fantaisies du monde », de Guillaume Alexis.
L’iconographie saisissante comprend 12 grands bois à pleine page, reprenant les bois primitifs du maître de « l’Ars moriendi » de Jean Siber, reproduits par Claudin III, 210 à 212 et 445, 446 et Baudrier, XI, 512. Deux petits bois représentent Moïse sur le feuillet de titre et la Crucifixion.
Précieux volume provenant de la bibliothèque Edmée Maus, avec ex libris. Il fut catalogué il y a 42 ans au prix considérable de 42 500 F (7 000 €) (cat. 39, 1973, n°9) par Georges Heilbrun.