Paris, Charles Estienne, 1559.
In-8 de (1) f.bl., 32 pp. reliés de droite à gauche, (1) f.bl. Marque de l’imprimeur sur le titre. Relié en plein maroquin rouge, double filet à froid sur les plats, médaillon décoratif frappé au centre des plats, décoré d’arabesques et de maroquin vert mosaïqué, dos à nerfs orné de filets à froid et de fleurons dorés, double filet doré sur les coupes, roulette intérieure dorée, tête dorée, non rogné. Reliure signée de Lortic.
180 x 110 mm.
Précieux et rare alphabet hébreu destiné à l’apprentissage de la lecture et de la prononciation de cette langue, superbement imprimé par Charles Estienne en 1559. Adams A 793 ; Renouard, Estienne 112, 4.
Le présent alphabet est en fait le seul alphabet hébreu jamais produit par Charles Estienne.
« On connait les diverses raisons qui contribuèrent au succès des études hébraïques dans l’Europe lettrée du XVIe siècle : intérêt humaniste pour les langues anciennes et la philologie, recherche de sources nouvelles permettant une meilleure compréhension de l’Ancien Testament, quête nostalgique d’un passé révolu, fascination enfin pour la langue originelle, l’essor de l’imprimerie hébraïque qui, apparue en 1475, se répand rapidement chez les éditeurs chrétiens, d’abord chez Alde Manuce, G. de Gourmont et les Estienne… L’ «alphabetum hebraicum» est en fait un petit manuel d’initiation qui existe pour le grec, l’hébreu et quelques autres langues sémitiques. Ces alphabets paraissent en grand nombre, en particulier entre 1528 et 1600, et connaissent, pour certains d’entre eux, plusieurs rééditions durant cette période. Ces alphabets ont en commun leur brièveté : entre une dizaine et une cinquantaine de pages… R. Estienne n’a rien publié en hébreu depuis 1528, mais il est nommé en 1539, typographe du Roi pour le latin et l’hébreu : on n’est donc pas étonné de voir paraître, cette année là, un ‘alphabetum hebraicum’ plus complet que le précédent qu’il avait publié en 1528, et qui utilise de nouveaux caractères hébraïques ; c’est le premier ouvrage où Estienne apparaisse avec son titre de Typographe du Roi. L’auteur commence par signaler que l’hébreu se lit de droite à gauche, puis il donne une liste des consonnes disposée de la façon suivante : de droite à gauche, la lettre hébraïque, puis son nom en lettres latines, sa transcription, enfin son nom en hébreu. .. Les consonnes sont systématiquement désignées par le terme ‘literae’, ce qui est conforme à l’usage des auteurs du XVIe siècle. La concision et l’utilité immédiate sont ici recherchées, seuls apparaissent les éléments directement utiles pour celui qui veut savoir lire et transcrire… Le développement suivant concerne les consonnes « muettes ». Là encore, Estienne n’emploie aucun des termes traditionnels de la grammaire juive, mais indique seulement qu’un certain nombre de consonnes ‘sont muettes’; il donne plusieurs exemples… Presque tous les auteurs s’arrêtent sur la prononciation de yod en fin de mot, mais Estienne est le seul à donner des exemples en français pour illustrer sa description… Suit un développement d’une dizaine de lignes, assez étendu donc par rapport à l’ensemble de l’ouvrage, et consacré aux gutturales xet et ‘ayin… Estienne termine son exposé de phonétique en abordant la question du ‘dages’ et du ‘rafé’… Ici se termine la partie ‘théorique’ de l’ouvrage ; viennent ensuite les exercices d’application, avec pour commencer, un tableau de toutes les syllabes existantes, dans l’ordre alphabétique… Le texte d’application est le Décalogue… Que pouvons-nous conclure de cette description détaillée de l’alphabet de 1539 ? 1) Alors que l’alphabet de 1528 était encore très rudimentaire, celui-ci est beaucoup plus développé. Les différentes rééditions lui apporteront des compléments et des précisions, mais la forme générale en demeurera inchangée. 2) D’autre part, nous avons vu que l’auteur se limitait, dans sa description, aux données immédiatement utilisables pour le débutant qui souhaite apprendre à lire et à prononcer correctement. Il n’y a aucun élément d’analyse grammaticale. 3) Dans ces conditions, il nous faut poser la question du public auquel étaient destinés de tels ouvrages. Public nombreux, sans doute, comme en témoigne le nombre des rééditions de cet alphabet ; mais jusqu’à quel point d’approfondissement ces études allaient-elles ? L’alphabetum hebraicum’ de 1539 est réédité en 1543, 1544, puis 1550 et 1559. Il est désormais relié de droite à gauche. Les autres changements concernent surtout la traduction du Décalogue : celle-ci suit de plus près l’ordre hébraïque des mots. Les commandements négatifs sont exprimés par ne + subj. De telles modifications, si elles ne bouleversent pas l’ouvrage, loin de là, attestent cependant du soin qui y est apporté par l’éditeur : en effet, il ne se trouve jamais réédité sans avoir été révisé et corrigé. (Quelques alphabets hébraïques du XVIe siècle, Sophie Kessler-Mesguich).
Le présent ouvrage correspond donc à une nouvelle version, la première donnée par Charles, de l’alphabet hébreu des Estienne.
« Charles Estienne, imprimeur français, troisième fils de Henri Ier, et frère de Robert, né en 1504, mort en prison pour dettes en 1564. Il s’était préparé par de fortes études à la profession de médecin, et très jeune il fut reçu docteur. La brillante éducation qu’il reçut dans la maison paternelle le fit choisir par Lazare Baïf comme professeur de son fils Antoine. Resté fidèle à la foi catholique, Charles dut pour sauver les intérêts de ses neveux, dont il était le tuteur, prendre pour son compte la direction de l’imprimerie de son frère Robert, lorsque celui-ci s’exila de Paris avec toute sa famille. Cette circonstance lui permit de manifester ses sentiments comme parent, son mérite comme imprimeur, et sa science comme auteur et éditeur d’excellents ouvrages. Le premier soin de Charles fut de terminer les ouvrages commencés par son frère, et dès 1551 parut sous son nom la belle édition princeps du texte grec d’Appien, imprimée avec les caractères royaux. D’après ce que nous apprend Henri Estienne, elle était presque achevée quand son père quitta la France. Le titre d’imprimeur du roi fut aussitôt conféré à Charles, et parut sur les ouvrages sortis de ses presses à dater de 1551. On doit à Charles Estienne la publication d’un grand nombre d’écrits destinés à l’éducation, et composés par lui pour la plupart. Ses dernières impressions datent de 1561 ». (Nouvelle biographie générale, XVI, 482-484).
En plus de l’alphabet, ce manuel d’initiation comporte en effet des règles de prononciation de l’hébreu ainsi qu’un texte permettant de s’exercer à sa lecture La plaquette se termine par les Dix commandements avec une transcription interlinéaire et une traduction latine.
Bel exemplaire, grand de marges car non rogné, de ce rare alphabet hébreu du XVIe siècle finement relié par Lortic en maroquin mosaïqué.
OCLC ne répertorie qu’un exemplaire de cet alphabet dans l’ensemble des institutions publiques du monde : celui de la Brigham Young Univ Library. En France, seule la B.n.F. en possède un exemplaire.
Provenance : de la bibliothèque Firmin-Didot avec ex libris.