Paris, Charpentier, 1887–1889–1891–1893.
4 volumes in-12 de I/ (2) ff., xlii pp. (1) p., 348 pp ; II/ (2) ff, 403 pp. ; III/ (2) ff., 408 pp., (1) f. d’errata ; IV/ (2) ff., 395 pp. Maroquin havane, jeu de filets dorés et mosaïqué de maroquin vert autour des plats, dos à nerfs ornés de même, coupes décorées, doublure de maroquin vert, gardes de soie havane, tranches dorées sur témoins, couverture et dos conservés. Reliure signée Huser.
Tirage : un des 25 exemplaires sur Japon.
183 x 112 mm.
Édition originale de la correspondance de Gustave Flaubert. Talvart, VI, 10 ; Clouzot, 122 ; Vicaire, III, 735 ; Debacker, Auteurs du XIXe siècle, 2052.
Exemplaire du tirage de tête, l’un des 25 sur Japon, dans une reliure doublée d’époque de Huser.
« Cette édition originale de haute bibliophilie atteint désormais des prix fort élevés sur grand papier : Japon ou Hollande. Pas de tirage sur Chine. » (M. Clouzot).
La « Correspondance » de l’écrivain français Gustave Flaubert (1821-1880) ne présente pas un intérêt moindre que ses romans. Elle fut publiée, en quatre volumes, de 1887 à 1893, par la nièce de Gustave Flaubert (1821-1880), Caroline Commainville. Élevée par l’écrivain à la mort de sa mère, elle fera précéder les lettres par ses propres « Souvenirs intimes », nous donnant ainsi de précieux renseignements sur l’homme.
« Vers 1885, quelques années après la mort de mon oncle, j’appris par M. E. Fasquelle que Mme Bissieu lui proposait de publier les lettres de Gustave Flaubert à sa mère Mme Louise Colet. En éditeur respectueux des droits de chacun et en ami dévoué il avait refusé et croyait devoir m’en avertir. Ce fait me prouvait que des correspondances ignorées de moi allaient peut être surgir et j’y voyais un danger ; alors ma résolution fut arrêtée : je devais prendre l’initiative, recueillir les lettres écrites par Gustave Flaubert et, s’il y avait lieu, les faire connaître au public. Qui pouvait mieux que moi, sa fille adoptive, accomplir cette tâche délicate et discerner, sinon par l’intelligence, du moins par mon amour filial si complet, ce qu’il convenait d’éditer ? […] je puis affirmer que c’est avec la croyance absolue d’honorer la mémoire de mon oncle que je fus entraînée à cette publication. Elle eut lieu de 1887 à 1906. Si rapprochée de sa mort, la première édition a été faite avec timidité ; plusieurs ensuite ont paru […]. 20 février 1926. » Caroline Commainville.
À partir de l’enfance (les premières lettres sont de 1833), elle nous fait suivre les étapes de la formation de l’homme et de l’écrivain, la genèse de son œuvre, et constitue un document indispensable sur l’évolution des idées de Flaubert. Les événements extérieurs sont rares dans la vie de l’écrivain. Le voyage qu’il fit en Orient avec Maxime Du Camp de 1849 à 1851 y est évoqué en des pages mémorables, où le pittoresque se mêle à la drôlerie et la simplicité enjouée à la splendeur sans apprêt de certaines descriptions. Le procès que lui valut la publication dans la Revue de Paris en 1857 de « Madame Bovary », les séjours de plus en plus espacés à Paris et même 1es rares aventures, amoureuses de sa vie, par exemple ses longues relations avec Louise Colet qui devaient finir lamentablement à cause de l’incompréhension jalouse de la femme de lettres, n’y sont que rapidement mentionnés. Même l’unique passion de son existence, celle qu’il éprouvait pour Mme Schlésinger y est à peine indiquée. La majeure partie de la « Correspondance » se rapporte à la vie laborieuse de Croisset et elle est toute pleine de la véritable passion de Flaubert pour l’art. Si ses jugements sur les nouveautés littéraires y sont à la fois pénétrants et hautains, c’est lorsqu’il parle de l’élaboration de ses œuvres et de ses vues esthétiques qu’il apparaît comme entièrement possédé par son sujet. Ces vues, il les exprime en particulier dans les lettres à Louise Colet écrites pendant la composition de « Madame Bovary », dans les lettres qu’il adressa à George Sand dans les années 1870 enfin dans les lettres à son « disciple » Guy de Maupassant, qui datent de la fin de sa vie. Il y expose en particulier la nécessité de l’union intime entre la pensée et la forme, et de l’objectivité de l’art (« L’artiste doit être dans son œuvre comme Dieu dans la Création, invisible et tout-puissant, qu’on le sente partout mais qu’on ne le voie pas »), la priorité qui doit être accordée à la beauté en laquelle la vérité se fond et se montre mieux, le rôle de la morale dans l’œuvre d’art, qui, selon lui, en est la condition nécessaire mais non le but. Ces idées, alors toutes nouvelles en France, trouvent dans ces lettres une expression énergique et décisive, qui permet de placer certains passages de la « Correspondance » à côté des écrits critiques de Baudelaire. Enfin, dans toutes ses lettres à ses intimes et en particulier au fidèle Louis Bouilhet, l’homme apparaît au naturel, avec ses violences et ses partis pris, mais aussi avec ses enthousiasmes de collégien, son goût de la grosse plaisanterie et du calembour, et surtout ses tristesses, son dégoût en face de la vie, ses angoisses devant les difficultés de son travail littéraire et les déceptions qu’il lui cause, enfin le regret devant son existence tout entière dépensée à la recherche de l’expression parfaite. « Ici, Flaubert n’essaie pas de faire œuvre d’art et son style est heurté, rapide, violent, parfois même gauche, mais somme toute, infiniment plus vivant et plus spontanément coloré que celui de ses romans ». (Dictionnaire des Œuvres, II, 104).
Magnifique exemplaire conservé dans ses très élégantes reliures de l’époque en maroquin havane mosaïqué et doublé de Huser. Infiniment rare en cette condition.