A la Nouvelle Cythère [Paris, Didot, 1798].
Grand in-4 de (2) ff., 10 pp., (1) f. de table et d’errata, 80 pp. et 20 gravures numérotées à pleine page hors texte protégées par des serpentes. Relié en plein maroquin rouge à grain long, encadrement d’une large roulette dorée sur les plats, dos à faux nerfs richement orné, roulette dorée sur les coupes, roulette dorée intérieure, tranches dorées. Reliure de luxe de l’époque attribuable à Bozérian.
313 x 235 mm.
Première et célèbre édition de « l’Arétin » d’Augustin Carrache, « le plus artistique des livres érotiques sous le rapport de l’exécution des dessins… » (Cohen, Guide de l’amateur de livres à gravures du XVIIIe siècle. Paris, 1912, col. 88). Sander, 34 ; Graesse, I, p. 191.
Il est orné de 20 gravures d’après Pierre de Jode exécutées sur les compositions d’Augustin Carrache gravées par Coiny qui ont pour sujet : « Vénus génitrice, Paris et Oenone, Angélique et Médor, Le Satyre et la Nymphe, Julie et un Athlète, Hercule et Déjanire, Mars et Vénus, Culte de Priape, Antoine et Cléopâtre, Bacchus et Ariane, Polyenos et Chrysis, Le Satyre et sa femme, Jupiter et Junon, Messaline dans la loge de Lisisca, Achille et Briséis, Ovide et Corine, Enée et Didon, Alcibiade et Glycère, Pandore, Le Satyre saillissant. »
« Avant de parler aux amateurs de l’ouvrage que nous leur présentons, nous allons donner une notice de la vie de deux hommes célèbres ; l’Arétin et A. Carrache. Pierre Arétin, fils bâtard de Louis Bacci, gentilhomme d’Arezzo, naquit vers l’an 1492. Il fit l’essai de son talent poétique par un sonnet contre les indulgences. Il s’attaqua ensuite aux rois, et les outragea avec une hardiesse si brutale, qu’il fut appelé le fléau des princes. » « L’Arétin étoit d’une impudence envers les souverains au delà de toute expression. Il répondit à un trésorier de la cour de France qui venoit de lui payer une gratification : ‘Ne soyez pas surpris si je garde le silence. J’ai usé mes forces à demander, il ne m’en reste plus pour remercier.’ On conte que ce poète satyrique se mit si fort à rire, entendant des discours comiques et obscènes, qu’il renversa la chaise sur laquelle il étoit assis, et qu’en tombant il se blessa à la tête et mourut sur l’heure à Venise, en 1556, âgé de 66 ans. Augustin Carrache naquit à Bologne, en 1560, et devint peintre, comme son frère.
« Les gravures de A. Carrache représentant les postures érotiques, étoient devenues si rares, que bien des personnes doutoient de leur existence. »
« C’est une circonstance extraordinaire qui les a fait tomber en nos mains. Un officier français de l’armée d’Italie, à son entrée à Venise, fut assez heureux que de pouvoir rendre quelques services à la femme d’un sénateur. Cette dame lui témoigna sa reconnoissance de plus d’une manière ; et entre autres cadeaux, lui donna cette collection, précieuse sous tous les rapports. Arrivé en France, il nous a confié cette œuvre, et secondés de plusieurs artistes, nous nous sommes empressés de la faire connoître au public, qui nous saura gré de lui avoir procuré cette jouissance. »
“In 1798, a similar set of engravings were printed, known as ‘L’Aretin d’Augustin Carrache, d’après les Gravures à l’eau-forte par cet Artiste célèbre (The Aretino of Agostino Carracci, after engravings by that famous artist). lt included various sonnets by Aretino and engravings by Jacques Joseph Coiny based on drawings by Agostino Carracci. Though this edition is often thought of as another edition of ‘I Modi’, it bares little resemblance to the original. Though the engravings are very good, there are few similarities between these engravings and the 1550 woodcuts or the Waldeck version of ‘I Modi’. One difference of note between ‘L’Aretin d’Augstin Carrache’ and ‘I Modi’ is that the engravings in ‘L’Aretin d’Augstin Carrache’ are all based on mythological scenes whereas the ‘I Modi’ engravings make no attempt to tone down the eroticism by hiding behind die historical precedent of depicting nudity through mythology (it’s not pornographic if the participants are Gods).”
« (…) La scène se passe près du port de plaisance La Vigne sur le Bassin d’Arcachon, chez un jeune antiquaire… Les mimosas ont leurs yeux jaunes. Elle entre dans la boutique par curiosité… Le jeune antiquaire lui raconte qu’il est tombé sur un lot exceptionnel de livres anciens ayant appartenu à un vieux Bordelais… Une collection de livres érotiques, dont la moitié est encore dans la malle. Elle fouille, feuillette, a des idées. L’antiquaire lui tend alors un livre qui date de la fin du XVIIIe siècle : ‘L’Arétin d’Augustin Carrache’ publié ‘A la nouvelle Cythère’. Cet ouvrage contenait 20 gravures dont 19 ont été vulgairement arrachées sûrement pour être vendues à l’unité. Ne subsistent que la dernière, intitulée Satyre saillissant, et le texte anonyme, très imprégné de la littérature érotique du XVIIIe (Les postures érotiques), Crébillon Fils, Rougeret de Monbron, Diderot, Mirabeau… Quand elle m’offre ce livre, aussitôt me vient l’idée de remonter le courant de son histoire, de retrouver les gravures manquantes. J’en découvre un exemplaire complet dans l’Enfer de la Bibliothèque Nationale, accompagné d’une notice biographique de l’auteur du texte Simon-Célestin Croze-Magnan (1750-1818), littérateur, peintre et musicien. J’étais alors persuadé d’avoir fait toute la lumière sur cet ouvrage lorsque, trois ans plus tard, je rencontrai A. qui écrivait un article sur les frères Carracci. Au détour d’une conversation, il me signala qu’Agostino Carracci (1557-1602), bien moins célèbre que son frère Annibale, était cependant l’auteur d’un chef-d’œuvre, Les Lascives, sur lesquelles il cherchait à mettre la main. Je lui dis alors que je possède chez moi les photocopies de ces gravures… »
Superbe et précieux volume, qui a de tout temps suscité de fortes enchères, l’un des rarissimes conservé dans sa reliure de l’époque en maroquin à grain long décoré, provenant des bibliothèques Charles Cousin avec ex-libris et mention autographe : « Charles Cousin (1822-1894) aimait les livres en bibliophile passionné et collectionneur avisé. Cet inspecteur général du Chemin de fer du Nord avait fondé la société des Amis des livres. Il s’était baptisé lui-même Le Toqué, allusion non pas à sa personnalité, mais à ses ‘toquades’ de collectionneur fortuné. »
Et Jules Noilly avec ex-libris, dont la vente eut lieu en 1886.
Ce remarquable érotique artistique du XVIIIe siècle relié en maroquin décoré du temps constitue une rareté bibliophilique.