Paris, Charles Estienne, 1555.
In-8 oblong de (1) f.bl., (20) ff., 448 pp. avec 186 gravures sur bois dans le texte. Première garde et verso du titre couverts d’annotations manuscrites anciennes, pte. restauration ancienne en marge du dernier f. sans atteinte au texte. Relié en plein vélin souple de l’époque, traces de liens sur les plats, dos lisse. Reliure de l’époque.
157 x 106 mm.
Édition princeps de langue française de ce remarquable traité d’ichtyologie du XVIe siècle, illustré de 186 bois sur les poissons. Renouard, Les Estiennes, 109 ; Brunet, I, 761 ; Nissen, Schöne Fischbücher, n° 14 ; Thiébaud, Bulletin des chasseurs bibliophiles 76, 1962, n° 102 – Graesse, Trésor de livres rares, I, 331 ; Berthelot, T. VI, p. 103 ; Jourdan, Dictionnaire des sciences médicales, p. 138.
D’une extrême rareté, cette édition décrite par Brunet (I-761), est la toute première des trois parues cette année 1555 : « Il existe, dit-on, trois éditions de cette traduction, faites à Paris sous la même date, et offrant entre elles des différences notables. Nous avons donné le titre de la première (ci-dessus), voici celui de chacune des deux autres : 1/ De la nature et diversité des poissons avec leurs descriptions et naïfs pourtraicts, en 7 livres, in-folio. – 2/ Histoire des poissons, traitant de leur nature et propriétez, aves les pourtraicts d’iceux, in-4 (en françois et en latin) : je n’ai vu que l’édition in-8 et l’in-4 ; cette dernière est un volume composé de 20 ff. préliminaires, et 448 pp., avec 184 fig. en bois impr. avec le texte. »
Cette troisième édition de 1555 cote, selon Brunet, le double de l’édition latine de 1553 décrite ci-après. Une édition avait originellement paru en 1551 sous le titre L’Histoire naturelle des estranges poissons marins, illustrée de 21 bois, puis une édition augmentée de plusieurs figures (1553), publiée cette fois en latin sous le titre De Aquatilibus libri duo.
Ouvrage très recherché pour la qualité de ses bois, les précieuses remarques qui les accompagnent et pour la personnalité de Pierre Belon du Mans (1517-1564), apothicaire du cardinal de Tournon, grand voyageur et naturaliste.
Il contient 186 figures gravées sur bois, dont celles des monstres marins et du fameux « Pourtraict de la teste d’un Saulmon femelle ». On attribue l’illustration à Pierre Gourdelle, qui a également réalisé celle de l’Histoire de la nature des oiseaux, publiée la même année par Pierre Belon.
Cet ouvrage est, avec celui de Rondelet, le premier traité d’ichtyologie scientifique, apportant d’authentiques observations qui ne soient empruntées à Aristote ou à Pline. Véritable pionnier en embryologie, Belon relance les études sur la structure anatomique des poissons, et défend la représentation réaliste des animaux à des fins d’enseignement et d’identification. On retrouve cependant, tout comme dans l’ouvrage de Rondelet paru à la même époque, la représentation de monstres marins, dont celle, fameuse, d’un monstre qui a l’aspect d’un moine.
Belon propose une classification des animaux aquatiques, qui inclut les poissons à proprement parler, mais aussi les mammifères, dont les cétacés, les céphalopodes, les coquillages, les crustacés. Bien qu’il décrive environ 110 espèces de poissons, on trouve également dans cet ouvrage des représentations de baleine, d’otarie, d’hippopotame, de loutre, ainsi que des crustacés, une anémone et même un caméléon ! Pierre Belon décrit dans cet ouvrage, pour la première fois en Europe, de nombreux animaux qui y étaient inconnus jusqu’alors. Sa classification est réputée meilleure que celle de Guillaume Rondelet, et mieux observée ; en appuyant sa classification sur l’anatomie des organes thoraciques et abdominaux, Belon ouvrait une nouvelle voie à la science. Beaucoup de ses observations ont été reconnues exactes par les recherches ultérieures.
« Grand voyageur, ethnologue, ichtyologiste, ornithologiste, botaniste, Belon est un de ceux qui rénovèrent, par l’observation directe et sur place, l’étude des sciences naturelles, réduites avant lui aux gloses érudites des textes anciens. Crié lui a attribué à tort l’invention de la nomenclature binaire. Belon a donné à toutes ses recherches une portée pratique, perfectionné l’acclimatation végétale, introduit en France des essences exotiques. Enfin, il a tenté de substituer la langue française au latin, comme langue scientifique. L’examen des données chronologiques et topographiques qu’il fournit lui-même sur ses déplacements continuels, à la lumière de l’histoire diplomatique des règnes de François 1er et d’Henri II, persuade que le naturaliste cachait une activité d’agent secret derrière sa profession. Il est en Angleterre et en Allemagne en 1540-1541 – époque marquée par les différents projets de mariage de Charles d’Orléans avec Anne d’Autriche ; encore en Allemagne et à Luxembourg en 1543 -, Charles d’Orléans était alors maître de la ville et souhaitait se rapprocher des princes allemands ; en Orient entre 1546 et 1548 – on connaît les manœuvres des Valois auprès de Soliman ; de nouveau en Angleterre et à Rouen en 1550 – année de la reddition de Boulogne ; à Metz après 1553, à Thionville en 1556 – plusieurs épisodes marquèrent les affaires messines quant aux droits de souveraineté du roi de France sur la ville ; il est témoin oculaire des événements de la première guerre de Religion – il faisait partie de la faction catholique. »
Cette édition princeps est rarissime et Robert Brun (Le Livre Français illustré de la Renaissance, p. 119) ne connait que la troisième édition de 1555 qu’il décrit ainsi : « 180 bois délicatement gravés dont un, p. 33, représente un monstre marin ayant l’aspect d’un moine dont s’est inspiré l’illustrateur du ‘Recueil de la diversité des habitz en 1562’. » Ce monstre marin est présent dans cette édition princeps de 1555.
Inscription manuscrite du XVIIIe siècle sur le titre : « ce livre est fort rare ».
Très bel exemplaire conservé dans sa reliure en vélin souple d’origine de belle patine.