Paris, Pierre le Petit, 1660.
In-12 de 147 pp., (5) pp. Plein maroquin rouge, triple filet doré autour des plats, dos à nerfs finement orné, coupes décorées, roulette intérieure, tranches dorées sur marbrures. Reliure parisienne de l’époque attribuable à Boyet.
149 x 88 mm.
Édition originale d’une rareté légendaire de la fameuse grammaire de Port-Royal.
Ruble, n°104 ; Barbier, II, 554 ; Destailleur, I, p. 230, n°978 ; Brunet, II, 1692.
Rédigée par Lancelot, mais inspirée par le grand Arnauld, la « grammaire de Port-Royal » est l’un des textes les plus célèbres de l’histoire des théories linguistiques.
Bien qu’elle ne soit pas sans précédents européens et qu’on puisse faire remonter ses sources jusqu’à la grammaire spéculative médiévale, elle constitue la première présentation conséquente (dans le sillage du rationalisme cartésien) d’un programme scientifique qui va dominer l’Europe des Lumières, jusqu’à ce que la grammaire comparée le remette en question. Le langage est l’expression de la pensée qui correspond en tout homme à une structuration universelle. Les règles qui gouvernent les mots dépendent de celles qui régissent les idées que ces mots expriment. Par là, la grammaire de toute langue possède un fond rationnel qui la rapproche de la logique ; c’est au reste dans leur logique que les Messieurs de Port-Royal exposeront leur théorie du verbe et des propositions incidentes.
Cette édition originale est si rare qu’il n’en est apparu aucune sur le marché public international depuis 35 ans.
Admirable exemplaire, peut-être le plus précieux connu, entièrement réglé, relié à l’époque avec élégance en maroquin rouge par Luc-Antoine Boyet, pour l’un des trois curieux identifiés, Jérôme Duvivier (1660 ≈ 1720) avec sa signature autographe en bas du titre.
C’est dans le milieu des « curieux » parisiens, à l’extrême fin du XVIIe siècle, qu’ont fait leur apparition des reliures spécialement destinées à recouvrir des livres rares.
Du Vivier connaît le duc du Maine, son « voisin » à l’Arsenal ainsi que le prince de Conti. On sait qu’il est l’ami de La Fontaine. Une lettre du fabuliste au prince de Conti – qui partageait la passion de Duvivier pour la céramique de Chine et du Japon – fait allusion sur un ton plaisant aux précieuses statuettes qui peuplent son cabinet: « Nous en parlions l’autre jour, du Vivier et moi (…). Nous fîmes des vœux très particuliers en votre faveur. Ils n’étoient ouïs que de quelques idoles chinoises »
A partir de 1698, puis dans les éditions de 1706 et 1717, Brice le cite comme l’un des plus grands curieux parisiens, et les sept salons de son appartement de l’Arsenal sont devenus un lieu de visite obligé pour tous les gens de goût.