Paris, Galliot du Pré, 1529.
Petit in-8 de : (12) ff., 360 ff. numérotés ccclxvi (a-z8, &8, A-X8), 8 vignettes sur bois dans le texte. Infime piq. de vers dans la marge blanche des ff. 300 à la fin, infime galerie de vers marginale des ff. cccxxx à cccxlii. Maroquin rouge, triple filet doré encadrant les plats, dos lisse orné, pièce de titre de maroquin olive, filet sur les coupes, roulette intérieure, tranches dorées. Reliure du XVIIIe siècle.
138 x 88 mm.
« Première édition collective sous le titre d’œuvres. » Rahir.
Parmi toutes les éditions du XVIe siècle, celle-ci est la plus désirable.
« Édition fort recherchée ». Tchemerzine.
Première édition en lettres rondes et dernière édition donnée au seizième siècle des Œuvres de Chartier.
« Elle est très recherchée comme tous les volumes formant la petite collection poétique publiée par le libraire Galliot du Pré environ l’an 1530, mentionne J.P. Barbier. Ces livres sont souvent rognés excessivement et se rencontrent en assez mauvais état, étant des exemplaires d’usage. »
Alain Chartier, né à Bayeux en 1385, notaire et secrétaire du roi, servit fidèlement le Dauphin, soit à la cour de Bourges, soit dans des ambassades en Allemagne et à Venise (1425), ou en Écosse (1428). Le Dauphin le récompensa en lui faisant obtenir, entre autres bénéfices, la cure de Saint-Lambert-des-Levées au diocèse d’Angers, un canonicat à Paris, un autre à Tours.
La première émotion qui fit de lui un poète fut la bataille d’Azincourt (1415).
« Il n’y a pas au XVe siècle de renommée littéraire plus grande que celle d’Alain Chartier. Nul poète français jusqu’à Ronsard n’a été plus admiré de ses contemporains. Si l’excès de cette gloire nous surprend, il faut avouer qu’Alain Chartier a laissé bien loin derrière lui tous ses prédécesseurs du XIVe siècle. Il se rattache à leur tradition, mais il donne à cette tradition une portée tout autre et un éclat nouveau ».
Tout imprégné de culture latine, Chartier écrit en une prose ferme, rythmique, qui s’élargit sans effort en harmonieuses périodes et atteint parfois à l’éloquence.
On se plaindrait même, à l’occasion, d’un excès de beau langage. Mais ce serait oublier les nécessités de l’heure : pour échapper au verbiage, à la phrase gauche et sans accent du XIVe siècle, le style avait besoin de cette rhétorique-là. Le dialogue, d’un intérêt si réel, est encore encadré dans la fiction banale d’un songe. C’est une dernière concession aux exigences traditionnelles. Un pas de plus et la littérature, rejetant les vieilles défroques et les oripeaux surannés, entrerait dans le vif de la vie contemporaine. » (Larousse – Histoire de la littérature française.)
« Ce qui porte à son comble sa réputation déjà grande, c’est la « Belle Dame sans merci » (1424), présente dans cette édition.
Le poète a perdu celle qu’il aimait et qui gît sous la lame où elle a emporté son cœur. Tout en promenant sa tristesse profonde, il rencontre une fête dans un verger, avec sonneries de menestrels et abondant repas, telle qu’on en voit dans les belles tapisseries du temps, par exemple celle de la Dame à la Licorne. A table, il remarque un amoureux de noir vêtu, qui s’efforce de dominer son sentiment. Il entre dans la danse, comme il y en a de si bien décrites dans les Œuvres du XIIIe siècle, mais restant toujours avec la même femme.
L’auteur, qu’on appelait alors l’acteur, suit le couple et, caché dans une treille, l’observe, écoutant les propos échangés entre lui et elle, dans le verger. En vain, celui-là tente d’émouvoir l’insensible qui proclame : « Je suis franche (libre) et franche je veux être, Sans moi de mon cœur dessaisir Pour en faire un autre le maître. » Elle l’envoie se pourvoir ailleurs, à quoi il ne saurait consentir : « Ah ! Cœur plus dur que le marbre En qui merci ne peut entrer. » Ce qui justifie le titre. Le couple se sépare et l’acteur-auteur de conclure par un éloquent huitain d’appel aux dames et aux demoiselles :
« Et vous, Dames et Demoiselles / Que jà nulle de vous ressemble, /
En qui honneur naît et s’assemble, / Celle que m’oyez nommer ci, /
Ne soyez mie si cruelles, / Qu’on appellera, ce me semble, /
Chacune ni toutes ensemble. / La belle dame sans merci. »
L’illustration se compose de 8 figures gravées sur bois.
« Les images sont charmantes, toutes placées dans de jolis encadrements ». (Jean-Paul Barbier, Ma bibliothèque poétique.)
Le volume s’achève sur le colophon indiquant que les Œuvres d’Alain Chartier ont été imprimées par Maître Pierre Vidoue pour Galliot du Pré « lan mil cccc xxix » à Paris.
Cette édition des Œuvres de Chartier ne se trouve plus en vélin de l’époque ni en reliure du XVIe siècle. Les plus beaux exemplaires sont en maroquin du XVIIIe siècle.
Superbe exemplaire, grand de marges (hauteur 138 mm contre 136 mm pour l’exemplaire Jean-Paul Barbier relié en maroquin rouge de Derome et décrit comme « très bel exemplaire à très grandes de marges) relié en beau maroquin rouge du XVIIIe siècle provenant des bibliothèques du Duc de Valentinois, Honoré III de Monaco (1720-1795) avec son ex‑libris calligraphié sur le feuillet de titre ; Lord Gosford avec ex-libris (Paris, 1882, n° 159) ; Sir Abdy avec ex-libris ; Marquis de la Grange avec ex-libris. Le dernier exemplaire relié en maroquin rouge identique, plus court de marges, fut catalogué et vendu 23 000 € (Réf : Manuscrits et Livres précieux, Cat xxxvi – 2007, n° 12).