In-8 de (2) ff., 337 pp. Demi-chagrin rouge, dos à nerfs orné de fleurons dorés, tranches mouchetées. Reliure de l’époque.
167 x 107 mm.
Rare édition originale française de ce remarquable roman de Tourgueniev, publié pour la première fois à Saint-Pétersbourg quelques mois auparavant.
Carteret, II, 404 ; Boutchik, n°58.
« La première édition de cet ouvrage est de 1868 ». (Vicaire, IV, p. 876).
« C’est durant le premier semestre de 1868 qu’Hetzel avait lancé le volume d’Ivan Tourguéneff intitulé ‘Fumée’. Avant comme après la publication de cet ouvrage le Russe adressa maintes lettres au Parisien. Le 8 mars il accusait réception des bonnes pages de son œuvre : ‘C’est charmant comme type, impression, papier, etc., et vous faites magnifiquement les choses…’ ».
« Tourguénev, Ivan Serguéevitch, né le 28 octobre 1818 à Orel, mort le 22 août 1883 à Bougival. De trois ans l’ainé de Dostoïevski, de dix ans celui de Tolstoï, Tourguénev est le plus occidental des trois grands romanciers qui firent la gloire de la littérature russe dans la seconde moitié du XIXe siècle […] Les trois années passées à Berlin – à fréquenter la Faculté de philosophie et une pléiade de jeunes philosophes russes, Granovskij, Stankevic, Bakounine… qu’unissait une dévotion commune à Hegel – déterminèrent l’orientation de la pensée politique et sociale de Tourguénev : séduit par la civilisation avancée de l’Occident il se range résolument dans le camp des occidentalistes. Sceptique, il rejette le messianisme religieux cher aux slavophiles ; clairvoyant, il ne voit d’autre salut pour la Russie que de se mettre humblement à l’école de l’Occident. […] Il publie en 1867 un roman, ‘Fumée’, qui achève de couper les ponts entre la Russie et lui, en lui aliénant cette fois l’opinion de droite. […] Les dernières années de la vie de Tourguénev, sans foyer, sans patrie, sans croyance, furent adoucies par les rayons de la gloire. En 1875, au Congrès international de littérature à Paris, il est élu vice-président et siège aux côtés de Victor Hugo. Son discours sur la littérature russe obtient un vif succès. […] Tourguénev est le seul écrivain russe qui ait pu prétendre de son vivant à une large audience occidentale. »
Dictionnaire des Auteurs, IV, pp. 531-532.
« Fumée est une œuvre typique de Tourguénev, tant par le côté gracieux et frais des descriptions de la nature, que par la richesse du détail dans la peinture des milieux et des personnages, exception faite pour Potouguin qui est en quelque sorte le porte-parole de l’auteur. L’action se développe presque exclusivement hors de Russie, à Baden-Baden, où se trouve réunie la fine fleur du grand monde international, mais où l’on rencontre également les gens les plus extravagants, surtout dans la colonie russe. A cette époque, il existait à Baden-Baden un soi-disant « arbre russe » à l’ombre duquel les Russes avaient pris l’habitude de se rencontrer quand ils n’étaient pas à la roulette. Le héros du roman, Litvinov, ne fréquente aucun de ces lieux, tout préoccupé par la prochaine arrivée de sa fiancée, sa cousine Tatiana Petrovna Shestova, avec qui il doit retourner, sous peu, en Russie, pour se marier. Mais il rencontre tout à coup une ancienne conquête, Irina Pavlovna Ratmirova, femme belle et capricieuse, qui, lorsqu’un mariage était déjà projeté entre eux, l’avait abandonné pour épouser un jeune général assez fat. […] La fumée qui, pour lui, enveloppait toute chose : sa vie, l’humanité en général, et plus particulièrement tout ce qui est russe, se dissipe enfin, mais le symbole persiste. La satire qui imprègne le récit garde tout son intérêt, surtout en ce qui concerne le tableau de la vie des Russes à Baden-Baden, fresque dans laquelle il est aisé de retrouver de nombreux souvenirs personnels de l’auteur. Cette œuvre, dont la satire est assez mordante, provoqua, à l’époque, l’indignation du public russe tout entier. Ce récri finit par s’apaiser, mais la conviction (d’ailleurs insuffisamment justifiée) demeura, suivant laquelle Tourguénev, bien qu’auréolant la vie russe de poésie et de nostalgie, ne l’avait jamais pleinement comprise, car il la regardait de loin. »
Dictionnaire des Œuvres, III, p.196.
Précieux exemplaire conservé dans son élégante reliure de l’époque.
Provenance : de la bibliothèque du peintre et romancier Gustave Droz (avec ex-libris manuscrit).
Localisation des exemplaires parmi les Institutions publiques françaises : Moulins, Amiens, Canteleu, Compiègne et la B.n.F.