GREGOIRE, Henri. De la Littérature des Nègres, ou Recherches sur leurs facultés intellectuelles, leurs qualités morales et leur littérature ; suivies de Notices sur la vie et les ouvrages des Nègres qui se sont distingués dans les Sciences, les Lettres et les Arts.

Prix : 13.000,00 

Rare édition originale de l’un des grands textes de la pensée moderne imprimée à Paris, sous l’Empire, en l’année 1808.
Exemplaire à toutes marges, très pur, conservé dans sa brochure bleue d’éditeur, condition d’exception.

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Paris, chez Maradan (de l’Imprimerie des Sourd-muets), 1808.

In-8 de xvi pp., 287, (1) p. d’errata. Conservé broché tel que paru sous couverture de papier bleu, étiquette imprimée sur le dos, non coupé à l’exception des premier et dernier cahiers, non rogné. Brochure de l’époque, condition des moins communes.

213 x 140 mm.

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Rare édition originale de l’un des grands textes de la modernité, l’un des plus importants de l’Abbé Grégoire (1750-1831), imprimé à Paris sous le Premier Empire, en l’année 1808.

« Figure emblématique de la Révolution française ; l’Abbé Grégoire se rallia au Tiers état et, à l’Assemblée Constituante, réclama non seulement l’abolition totale des privilèges et de l’esclavage mais prôna aussi le suffrage universel.
Cet ouvrage, souvent cité comme référence par les auteurs étrangers est le fruit de longues années de recherches, il porte également trace de nombreuses ambiguïtés, qui tiennent au statut de Grégoire sous l’Empire ; portant le titre honorifique de sénateur il n’en est pas moins en désaccord avec pratiquement toutes les orientations du régime.
L’ouvrage est un manifeste contre le rétablissement de l’esclavage et de la traite négrière, mais il est aussi un gage de la fidélité aux combats abolitionnistes menés au sein des deux Sociétés des Amis des Noirs. Le fondement philosophique de la position de Grégoire est l’unité du genre humain, qui lui permet de concilier la proclamation révolutionnaire des droits de l’homme et le message évangélique. En ces temps de censure impériale, l’ouvrage reçut un accueil discret, mais provoqua surtout des ripostes indignées du parti colonial, alors bien en cour qui le présenta comme un manifeste du nigrophilisme, un néologisme alors extrêmement péjoratif. » (B. Gainot).

Le livre « De la littérature des Nègres » est dédié « à tous les hommes courageux qui ont plaidé la cause des malheureux noirs et sang-mêlé, soit par leurs ouvrages, soit par leurs discours dans les assemblées politiques, pour l’abolition de la traite, le soulagement et la liberté des esclaves ». Deux cent soixante et onze personnes sont expressément mentionnées, dont la moitié sont des Anglais, le quart des Français, les nationalités restantes étant, dans l’ordre, des Américains, des Allemands, des Danois, des Suédois, des Hollandais, des Italiens, et un Espagnol. Les huit « nègres et sang-mêlés » font l’objet de rubriques particulières, plus détaillées.
Le contexte n’est guère favorable à une publication épousant la cause des Noirs : rétablissement de l’esclavage en 1802, législation consulaire discriminatoire à l’égard des gens de couleur. En 1807, une enquête de police recense toutes les personnes de couleur établies en métropole, afin de les soumettre à un projet d’enrôlement militaire. Une loi du 3 juillet 1802 interdisait l’entrée des Noirs et des hommes de couleur sur le territoire métropolitain…

Plus récemment, Aimé Césaire s’exprimait ainsi :
« Trop fortes sont ses convictions, trop ardente sa passion de la justice, trop vibrante sa pitié pour les faibles et les innocents, pour que Grégoire louvoie et épargne… Je n’en veux pour exemple que la page extraordinaire qui termine l’ouvrage qu’il écrivit en 1808 : “De la littérature des Nègres”, page d’un lyrisme échevelé que je voudrais lire à chaque colonialiste, à chaque raciste, à chaque lyncheur de Nègres, à chaque brûleur de juifs :

Des hommes qui ne consultent que leur bon sens, et qui n’ont pas suivi les discussions relatives aux colonies, douteront peut-être qu’on ait pu ravaler les Nègres au rang de brutes, et mettre en problème leur capacité intellectuelle et morale. Cependant cette doctrine, aussi absurde qu’abominable, est insinuée ou professée dans une foule d’écrits. Sans contredit les Nègres, en général, joignent à l’ignorance des préjugés ridicules… Français, Anglais, Hollandais, que seriez-vous, si vous aviez été placés dans les mêmes circonstances ? Je maintiens que parmi les erreurs les plus stupides, et les crimes les plus hideux, il n’en est pas un que vous ayez le droit de leur reprocher.
Mais si les Nègres, brisant leurs fers, venaient, (ce qu’à Dieu ne plaise), sur les côtes européennes, arracher des Blancs des deux sexes à leurs familles, les enchaîner, les conduire en Afrique, les marquer d’un fer rouge ; si ces Blancs volés, vendus, achetés par le crime, placés sous la surveillance de ‘géreurs’ impitoyables, étaient sans relâche forcés, à coups de fouet, au travail, sous un climat funeste à leur santé, où ils n’auraient pas d’autre consolation à la fin de chaque jour que d’avoir fait un pas de plus vers le tombeau… Si blasphémant la Divinité, les Noirs prétendaient faire intervenir le Ciel pour prêcher aux Blancs l’obéissance passive et la résignation ; si des pamphlétaires cupides et gagés imprimaient que l’on exerce contre les Blancs révoltés, rebelles, de justes représailles, et que d’ailleurs les esclaves blancs sont heureux, plus heureux que les paysans au sein de l’Afrique… Quels cris d’horreur retentiraient dans nos contrées !
Européens, prenez l’inverse de cette hypothèse et voyez ce que vous êtes !
Depuis trois siècles, les tigres et les panthères sont moins redoutables que vous pour l’Afrique. Depuis trois siècles, l’Europe, qui se dit chrétienne et civilisée, torture sans pitié, sans relâche, en Amérique et en Afrique, des peuples qu’elle appelle sauvage et barbares. Elle a porté chez eux la crapule, la désolation et l’oubli de tous les sentiments de la nature pour se procurer de l’indigo, du sucre, du café.
Puissent les nations européennes expier enfin leurs crimes envers les Africains ! Puissent les Africains goûter enfin la liberté et le bonheur ! Dût-on ici-bas n’avoir que rêvé ces avantages pour soi-même, il est du moins consolant d’emporter au tombeau la certitude qu’on a travaillé de toutes ses forces à la procurer aux autres.
» (« De la littérature des Nègres » reprise par Aimé Césaire, Paris, 2005).

Précieux, bel et rarissime exemplaire préservé tel que paru, à toutes marges, avec de nombreux témoins, non coupé, dans sa brochure bleue d’éditeur en très bon état de conservation.

Cette édition originale au retentissement international est un puissant et distingué marqueur culturel des principales bibliothèques contemporaines auxquelles elle manque généralement tant elle est peu commune.

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Auteur

GREGOIRE, Henri.