Dijon, 1768.
1 volume grand in-folio de (1) f. de table, (1) f. de titre-frontispice, 262 pp. y compris 124 planches à pleine page.
Cartonnage jaune, étiquette originale aquarellée au centre du premier plat portant en lettres calligraphiées : VIII – Famille, Les Liliacées. IX Famille, Les Gingembres et au centre du second plat : X Famille, Les Orchis. XI Famille, Les Aristoloches ; dos habillé de papier vert décoré. Reliure dominicaine de l’époque.
423 x 270 mm.
Manuscrit botanique original calligraphié de 262 pages, d’une insigne rareté, dessiné et aquarellé en 1768 par Frère Jean Vernisy religieux dominicain à Dijon, orné de 124 planches hors texte dessinées et aquarellées sur papier impérial décrivant 338 fleurs, plantes et arbustes dans les coloris les plus gracieux suivant la méthode de Michel Adanson.
Les planches sont accompagnées d’insectes ou de mammifères. Le manuscrit ouvre sur une « Table alphabétique des plantes contenues dans ce recueil » suivie d’un superbe titre dessiné, aquarellé et armorié portant la date de 1768.
Le volume ouvre sur les liliacées, suivies des joncs, lis, scilles, oignons, asperges, jacintes, narcisses, colchiques, iris, jacynthes, gingembres, orchis, aristoloches, crocus, etc …
Michel Adanson (1727-1806) fut un des naturalistes les plus importants du XVIIIe siècle. Il était surtout botaniste, et c’est à ce domaine qu’il doit, avant tout, sa renommée. L’apport réel de son ouvrage Familles des plantes (1763-1764) à la science botanique fut toutefois apprécié avec un immense retard. La méthode naturelle de classification qu’il mit au point ne fut guère comprise et surtout estimée à sa juste valeur qu’en 1963, lors du grand colloque organisé à l’occasion du bicentenaire de la parution de l’ouvrage. C’est d’ailleurs autour des années 1960 que la taxonomie numérique (ou « phénétique ») émerge, en s’appuyant sur l’idée qu’Adanson avait recouru à des calculs combinatoires pour classifier les végétaux, dans son ouvrage Familles des plantes. Suivant Jean Dufrenoy, « l’origine de ce mouvement peut être attribuée à P. H. Sneath qui, ayant « redécouvert » la classification naturelle proposée par Adanson […], comprit que cette classification se prêtait particulièrement bien à l’application des calculatrices électroniques en taxonomie (J. Gen. Microbiol. 17, 201-206, 1957) ». Et c’est précisément l’année du bicentenaire de la publication du premier volume des Familles des plantes que paraît le grand traité pionnier de la phénétique, Principles of numerical taxonomy, de Peter H. A. Sneath et Robert R. Sokal. Une édition augmentée sera donnée en 1973.
Il nous semble désormais acquis qu’Adanson occupe une place déterminante dans l’histoire des sciences de la nature, puisqu’en rejetant d’une part l’« esprit de système » et en défendant, d’autre part, une vision universaliste et totalisante du monde vivant, il réalise une parfaite synthèse du « linnéisme » et du « buffonisme ».
Adanson fut le premier à donner effectivement une méthode naturelle de classification botanique, et pas seulement à en tracer l’idée, comme le firent son maître Bernard de Jussieu (1699-1777) ou son grand rival Carl von Linné (1707-1778). Le premier insistait sur la nécessité d’établir un tel arrangement suivant l’ensemble des affinités végétales, sans véritablement oser passer de la théorie à la pratique. Le second publia dès 1735 Systema naturae, son fameux « système sexuel », qui ne prétendait pas exposer la classification naturelle des végétaux, bien que Linné considérât que « l’ordre naturel », si un jour il pouvait être tracé (perspective d’ailleurs douteuse), passait simplement par le perfectionnement de son système, à mesure de la découverte des espèces.
Adanson acquit très tôt le concept central de sa méthode naturelle. Les prémices de cette idée « holistique » apparaissent dans une lettre aux Jussieu, en date du 1er août 1750 :
« J’ai trouvé, écrit Adanson, une façon de décrire bien différente de celle que j’usitois dans le temps de mon 1er envoi, et c’est la seule que je croie bonne et utile, parce que non seulement elle comprend absolument toutes les parties des différents corps naturels, mais encore par ce qu’elle décrit ces parties dans toutes les qualités qui leurs sont propres. »
La révélation conceptuelle qu’eut le jeune Adanson au Sénégal est fondée sur la conviction que le « partiel » engendre le « faux ». À cet égard, ce voyage fut une prise de conscience définitive de l’aporie des « systèmes », qui reposent tous sur l’idée erronée qu’un « principe » possède un pouvoir de subsomption. Non, le tout ne peut être compris dans la partie, et c’est ce qu’Adanson a découvert au Sénégal. Il témoigne d’ailleurs de cette révélation :
« […] la Botanique semble changer entièrement de face, dès qu’on quite nos païs tempérés pour entrer dans la Zone torride : ce sont toujours des Plantes ; mais elles sont si singulieres dans leur forme, elles ont des atributs si nouveaux, qu’ils éludent la plûpart de nos Systêmes, dont les limites ne s’étendent guère au-delà des Plantes de nos climats. »
Sa méthode, fondée sur l’appréciation combinatoire d’un ensemble de systèmes partiels embrassant la totalité des « parties » d’un organisme, fut d’abord essayée sur les mollusques. Elle s’étendit ensuite aux végétaux (Familles des plantes). » (Xavier Carteret)
Précieux et superbe manuscrit botanique original calligraphié, dessiné et aquarellé en l’année 1768 dans l’Abbaye dominicaine dijonnaise riche de 124 admirables planches originales hors texte sur papier impérial, composé suivant la méthode de Michel Adanson.