« Parmy les Ecrivains tu te sais faire place,
Comme l’Aigle au milieu des oyseaux plus hardis
Et ta plume, les traits de leurs plumes efface,
Ornant, par ton bel art, noz traits abastardis. »
Paris, 1599.
In-4 oblong de un superbe titre frontispice gravé, 4 pp. y compris la dédicace à Monsieur de La Guesle, (4) pp. incluant le rare « Extrait des Registres de Parlement », suivi de 31 planches gravées à l’art d’écriture. Conservé dans sa brochure de papier marbré du XVIIIe siècle.
188 x 275 mm.
Édition originale très rare complète de la « Rizographie », l’un des trois recueils consacrés à l’art d’écrire par Le Gangneur, ornée d’un remarquable titre frontispice et de 31 estampes gravées.
Adams L-387 ; Becker, The Practice of Letters 44 ; Bonacini 1039-41 ; Brunet, III, 934 ; Destailleur 842.
Pourvu de la charge de secrétaire-écrivain de la Chambre du Roi probablement sous Charles IX et sûrement sous Henri III, il fut confirmé dans cette place par Henri IV.
Le Gangneur reçoit le 1er octobre 1599 un privilège pour l’impression de trois traictez de l’art d’escriture dont il est l’auteur, qui seront publiés en 1599 (La Technographie) et 1600 (La Caligraphie). Les trois recueils d’exemples de Le Gangneur ont été gravés par Simon Frisius, graveur très habile.
Le privilège de 1599 est cité dans un extrait des registres du Parlement qui figure dans les exemplaires de la Technographie, et qui contient aussi les conclusions d’un procès intervenu entre Le Gangneur et Frisius à propos de la qualité du travail et de la propriété des planches.
L’art d’écrire occidental prend un nouvel essor à l’aube du XVIe siècle à la faveur d’une inflation de l’écrit induite par le développement du commerce, de la diplomatie, de la bureaucratie, et d’un repositionnement de l’écriture manuscrite consécutif à l’apparition de l’imprimé multiple. Répondant à une demande croissante, la diffusion de modèles gravés, dont le nombre impressionnant de titres et de rééditions atteste le succès, participe d’un processus de normalisation et d’uniformisation auquel la typographie n’est pas étrangère.
Défini comme la « droite façon de former, lier, proportionner et ranger les lettres, les mots et les lignes […] selon certaines règles » (Louis Barbedor, 1647), cet art d’écriture, que l’ambivalence du mot art fait osciller entre calligraphie et « technographie », ne laisse pas de mettre en question cette liberté de la plume tant louée au regard de la rigidité du poinçon.
Ce renouveau a pour berceau l’Italie et pour pionniers Arrighi, Tagliente et Palatino, dont les manuels gravés sur bois à partir de 1522 exposent à un public composé de secrétaires, marchands et jeunes gens l’art de la cancellaresca, cursive dérivée de l’écriture humanistique, en usage à la chancellerie pontificale. Véritables succès de librairie, ils établissent pour trois siècles la recette du manuel d’écriture à base de conseils préliminaires (préparation des instruments, disposition du corps, tenue de la plume…), d’instructions et d’exemples, en même temps qu’ils assoient la mode de l' »italienne » reprise dans les premiers livres d’écriture flamand (1540), espagnol (1548), français (1561) et anglais (1570).
Le recours à la gravure en taille douce à partir des années 1560 modifie sensiblement le galbe des lettres et ouvre la voie à l’ivresse du trait de plume dont l’âge d’or se situe entre 1610 et 1670. En germe chez Le Gangneur dès 1599, la prééminence de l’art d’écrire français s’épanouit au XVIIe siècle avec Barbedor, Senault, Duval, déclinée sur le mode de la ronde française et de l’italienne bâtarde dans des formes fixées par arrêt du parlement de Paris.
Un des meilleurs calligraphes de son temps avec les Beaugrand, le Gangneur vit ses talents célébrés par les poètes de la Cour, et écrivit les œuvres des plus célèbres d’entre eux (Desportes, Ronsard, Pybrac…). Le tracé de ses caractères grecs comme de ses caractères hébreux a aussi été renommé.