Paris, De l’imprimerie de Monsieur, 1785.
2 tomes en deux volumes in-4 de : I/ (2) ff., 309 pp., 13 planches à pleine page hors texte ; II/ (2) ff., 297 pp., (7) pp., 12 planches hors texte à pleine page.
Demi-maroquin rouge à long grain à coins de maroquin rouge, filets dorés, dos à nerfs orné de filets dorés et de motifs dotés et mosaïqués. Reliure postérieure.
328 x 245 mm.
Magnifique édition typographique, imprimée sur papier vélin d’Annonay de la fabrique de Montgolfier.
Cette superbe édition faite sous la direction de P-Fr. Didot, avec de nouveaux caractères spécialement créés, devait initialement accueillir la suite d’estampes de Monnet et Tilliard illustrant le texte.
Cependant les éditeurs, par souci d’harmonisation des papiers, écartèrent ladite suite et en firent graver une autre par Moitte.
« … la suite des figures de Monnet gravées par Tilliard n’étant point tirée sur le même papier et la nuance et le grain du papier étant si opposés… ils en ont fait dessiner d’autres par Moitte, gravées au lavis par Parisot et tirées sur le même papier vélin que l’ouvrage. »
C’est ici l’un de ces exemplaires parfaits aux yeux de l’éditeur, accompagné des 24 figures de Moitte.
L’avertissement annonçait également que Didot avait réservé quelques exemplaires des suites coloriées ou peintes à la gouache mais que pour l’un ou l’autre exemplaire de ces dernières, il était nécessaire de se faire inscrire.
Cohen a omis d’informer qu’il existe deux sortes d’exemplaires coloriés : ceux simplement coloriés, et ceux peints à la gouache.
L’exemplaire est ici orné d’une composition au portrait de Fénelon et des 24 figures de Moitte gouachées à l’époque, bordées de cadres peints.
Chacun des titres porte les armes de Monsieur, frère du roi Louis XVI, gravées sur bois d’après Choffard.
Les Aventures de Télémaque sont une œuvre de circonstance dans toute l’acception du terme. En effet, en 1689, Fénelon devint le précepteur des trois fils du Grand Dauphin. Il dut s’occuper surtout du duc de Bourgogne, le plus difficile d’entre eux, qui se trouvait être en même temps l’héritier de la couronne.
« C’est dans ‘l’Odyssée’ d’Homère que Fénelon a puisé son sujet. Faisant fond sur le livre quatrième, il choisit le héros le plus propre à intéresser son élève : le jeune Télémaque, fils d’Ulysse, que l’on voit entreprendre un voyage périlleux afin de retrouver son père dont l’absence menace de causer de graves désordres dans le royaume.
Fénelon se trouve avoir un élève difficile. Selon Saint-Simon, le jeune duc « était né terrible, dur et colère jusqu’aux derniers emportements, opiniâtre à l’excès et naturellement porté à la cruauté. » Il fallait donc tout mettre en œuvre pour fixer son attention. Fénelon fit si bien qu’il parvint à le dompter. Pris tout entier par sa mission, il était assurément homme à tout lui sacrifier – fût-ce la qualité de son œuvre. Séduisant, certes, et chimérique autant qu’on voudra, mais capable à l’occasion de nourrir un feu sauvage que rien ne peut éteindre. Car, en ce grand seigneur, l’écriture n’est pas moins complexe que les sentiments. « Quand on aura fait, dit Brunetière, toutes les critiques qu’on peut faire, et l’on peut en faire beaucoup, il restera toujours que dans le Télémaque, on retrouve beaucoup de Fénelon lui-même, et longtemps encore, c’est ce qui suffira. »
Précieux exemplaire, l’un des rarissimes avec la suite habilement coloriée à la gouache à l’époque ; avec les épreuves avant la lettre.
« En maroquin rouge de Kalthoeber, aussi avec les figures gouachées, 400 fr., vente R. Portalis (février 1878, n° 110), puis vente Piet (n° 299), en maroquin rouge ancien, 310 fr., même vente (n° 111). » Cohen, 385.