Paris, Denis du Pré pour Olivier Codoré, 1572.
54 ff. dont 8 planches à pleine page, 1 planche hors texte à pleine page et 1 planche dépliante hors texte.
C’est l’ordre et forme qui a este tenu au sacre & couronnement de tres-haute, tres-excellente, & très-puissante princesse Madame Elizabet d’Autriche Roine de France : faict en l’Eglise de l’Abbaie sainct Denis en France le vingt cinquiesme iour de Mars, 1571.
A Paris, de l’imprimerie de Denis du Pré, pour Olivier Codoré, 1571. Avec privilège du roy.
10 ff.
Entrée de la Reine. 26 ff., (1) f., (1) f.bl., 6 planches.
Soit 3 parties en 1 volume in-4. Veau fauve, double filet or encadrant les plats avec armes au centre, dos à nerfs orné. Reliure début XVIIe siècle.
Édition originale et tout premier tirage de l’un des plus beaux livres de fêtes français de la Renaissance.
Mortimer, French, 205 ; Rothschild, IV, 501-503; Tchemerzine, III, 747; Firmin Didot, Histoire de la gravure sur bois, p. 187 ; Vinet. Bibliographie des Beaux-Arts, n° 44 ; Fairfax-Murray, French, 152 ; Brun, Le livre français illustré de la Renaissance, 181.
Premier tirage (bandeau du f. 12 recto, dévoré et non vouloir dévorer au verso, I 3 mq. B de Bouquet mais signature L corrigée en I en cours de tirage, M2)
Cette entrée cérémoniale de Charles IX à Paris en mars 1571 intervenait après la paix de Saint-Germain d’Août 1570 et la fin de la guerre civile. Le mariage du Roi avec Élisabeth d’Autriche réaffirmait le désir de tolérance religieuse apaisant les conflits entre catholiques et protestants pour lesquels la liberté de culte était reconnue.
Le Roi entra sans sa ville de Paris le 6 mars mais, souffrante, la reine ne put l’accompagner. Elle fit son entrée à Paris le 29 mars après avoir été couronnée à l’abbaye de Saint Denis le 25 mars. Pour l’entrée de Charles furent érigées des arches monumentales ornées de statues allégoriques. Ces arches furent reprises pour l’entrée de la Reine, mais ornées de statues différentes, plus appropriées et plus féminines.
Simon Bouquet, magistrat parisien, fut chargé par ses collègues de l’Hôtel de ville de Paris de l’ordonnancement entier de la fête et de la confection des décors.
Il en confia la mise en scène et le thème à Pierre de Ronsard et Jean Dorat qui firent appel aux artistes de la première école de Fontainebleau ; Germain Pilon pour les sculptures, le conte pour les travaux de charpente et Nicolo Dell’Abbate et Pierre d’Angers pour les perspectives et les peintures.
Le thème central était évidemment consacré à la paix et au mariage de la France et de la Germanie, Élisabeth d’Autriche étant la fille de l’empereur Maximilien.
Le texte fut rédigé par Simon Bouquet et par les grands poètes français de la Pléiade.
Pierre de Ronsard composa ainsi pour cette cérémonie 9 poèmes, signés R pour la plupart dans le Recueil.
BI « Comme une fille en toute diligence
Voyant un pré émaillé de couleurs
Entre dedans et choisissant les fleurs
Un beau bouquet pour son sein elle agence… »
Antoine de Baïf, Jean Dorat, Amadis Jamyn, Guy de Faur de Pibrac et Etienne Pasquier rivalisèrent également pour célébrer poétiquement cet évènement.
L’iconographie de cet ouvrage remarquable comprend 16 grandes estampes à pleine page, 10 pour l’Entrée du roi dont une dépliante, 6 (répétition partielle des précédents complétée par de nouveaux bois) pour celle de la Reine Élisabeth d’Autriche, gravées sur bois sous la direction d’Olivier Codoré, « tailleur et graveur en pierres précieuses ». Il s’agit, suivant Manette, du nom abrégé de Coldoré, surnom donné à Fontenay, futur valet de chambre et graveur en pierres fines de Henri IV, en raison des nombreux colliers d’or qu’il portait.
Firmin Didot suggère que les bois ont été réalisés sur les dessins de Jean Cousin.
Ces planches fort belles illustrant les arcs de triomphe éphémères dressés à la Porte Saint Denis, à la porte au Peintre, au bout-du Pont Notre-Dame, les fontaines et les statues érigées pour cette grande circonstance, évoquent la facture des illustrations de l’entrée à Paris de Henri II en 1549.
L’illustration présente en outre l’intérêt d’être, elle-même, « à transformations ».
L’ouvrage présente en outre un très beau colophon en calligramme en forme de hanap couvert.
Exemplaire remarquable relié pour Louis-Alphonse du Plessis de Richelieu (1582-1653), frère de Richelieu, Archevêque d’Aix puis de Lyon, avec ses armes argentées sur les plats.
Les exemplaires en reliure ancienne sont extrêmement rares, la plupart ayant été reliés à nouveau – et lavés par la même occasion – à la fin du XIXe siècle.
Mortimer décrit un exemplaire avec la 4ème partie (9 pp., sans illustration) mais indique « the work was also issued without the 9 leaves of Pasquier verses at the end ».
Parmi les exemplaires en trois parties : Fairfax-Murray, Ruggieri…
Cela s’explique par le contexte politique.
En effet, le texte de Pasquier fait l’apologie de la Paix de Saint-Germain (août 1570) voulue par Charles IX. Signée avec l’Amiral de Coligny, elle accordait d’importantes libertés aux protestants, prônait la tolérance et l’égalité de traitement entre tous les sujets, quelle que soit leur religion.
Après la St Barthelemy et l’assassinat de Coligny (août 1572), cette apologie de Charles IX pacificateur pouvait difficilement subsister.
Superbe exemplaire, plus grand de marges que l’exemplaire H. P. Kraus et Friedlander en reliure ancienne non armoriée adjugé 38 300 € (23 avril 2001).