Paris, Le Normant, 1816.
In-8 de vi pp., 304 pp. Pte déchirure p. 19 sans manque, mouillure pâle en haut de qq. ff.
[Suivi de :] Mémoires, lettres et pièces authentiques touchant la vie et la mort de S.A.R. Monseigneur Charles-Ferdinand-D’Artois, fils de France, Duc de Berry.
Paris, Le Normant, 1820.
(2) ff., ii pp., 1 portrait à pleine page, 299 pp. 3 ff. brunis.
Maroquin vert, plats ornés d’un riche encadrement de double filet et roulettes dorés, dos lisse orné, filet or sur les coupes, roulette intérieure dorée, gardes de tabis rose, tranches dorées. Reliure de l’époque.
205 x 125 mm.
I/ Édition originale de la plus grande rareté de ce pamphlet politique de Chateaubriand qui provoqua la colère de Louis XVIII et valut à son auteur d’être destitué de son poste ministériel.
Le pamphlet fut interdit le 18 septembre 1816, les exemplaires saisis et détruits.
Elle est si rare qu’elle a échappé à Vicaire et à Carteret.
Avec le feuillet de titre imprimé contenant la mention « Ministre d’Etat » qui sera supprimée par la suite.
« Toutes les éditions, tous les tirages de ce pamphlet exécutés chez Le Normant portent uniformément le titre ci-dessus. Elles sont toutes considérées comme éditions originales ; elles furent saisies par ordre de Décazes. » (Talvart, III, 10)
« Œuvre politique de François-René de Chateaubriand (1768-1848), parue en 1816 et immédiatement interdite par la police des Bourbons. L’auteur qui avait montré, notamment dans son écrit ‘De Buonaparte et des Bourbons’, son attachement à la cause des souverains ‘légitimes’ de la France, ne pouvait pas, – après les déceptions apportées par la Restauration et spécialement par la politique réactionnaire des ultra-royalistes – ne pas montrer son esprit de rébellion, en se faisant le défenseur de nouvelles idées sociales ; certes, il le fit d’une manière toute personnelle, se laissant emporter par l’impétuosité de sa vision fortement égocentriste des choses. Dans ce libelle, il défend la Charte constitutionnelle, grâce à laquelle les libéraux de France avaient accueilli le retour de Louis XVIII et le début de son gouvernement. Un retour à l’ancien régime n’était plus possible. Comme ministre, l’auteur veut, dans cette publication, dire ‘la vérité au roi’ ; car le Conseil dont il fait partie ne se réunit malheureusement point dans le but de permettre à ses membres de faire valoir leur opinion personnelle sur les questions les plus importantes de la nation. C’est précisément parce qu’il entend défendre la légitimité, qu’il se sent le devoir d’affirmer une fois de plus la nécessité où est la monarchie d’être constitutionnelle (retour des partis, liberté de presse et autres prérogatives parlementaires). Les maux du despotisme seraient en fait pires que ceux d’un libéralisme qui, guidé sainement – à la façon anglaise, – apporterait une nouvelle gloire au roi et au pays. L’ouvrage, publié quelques jours après la dissolution de la fameuse ‘Chambre introuvable’, souleva l’indignation de Louis XVIII qui, sous l’influence de ses partisans ultra, destitua tout simplement l’auteur de son poste ministériel ». (Dictionnaire des Œuvres, IV, 603).
Trois mois après la publication de De Buonaparte et des Bourbons, en juillet 1814, ses relations dans la haute aristocratie et l’amitié de Madame de Duras lui avaient valu d’être nommé ambassadeur en Suède, poste qu’il ne rejoignit jamais mais dont il perçut le traitement. En avril 1815, le Roi lui permit de le suivre à Gand et l’admit au conseil « pour parler de l’intérieur ». Au retour de Gand, après les Cent Jours, il devint ministre d’État, fonction honorifique mais bien rémunérée qui avait été reprise de la pratique de l’Ancien régime, et il fit partie de la première fournée de la Chambre des pairs. Mais Chateaubriand, qui sous la première Restauration avait été proche du centre et avait défendu la Charte avec éloquence et habileté dans ses Réflexions politiques d’octobre 1814, ce qui lui avait attiré la bienveillance de Louis XVIII, se rapprocha alors de la droite ultra qui venait de gagner les élections à la Chambre des députés. Il devint l’un des principaux porte-parole de ce parti à la Chambre des pairs. Il avait été révolté par l’entrée de Fouché dans le ministère et considérait que les Cent Jours avaient montré qu’il était devenu nécessaire de refonder la société française sur des bases traditionnelles. Le Roi ayant décidé de maintenir un gouvernement du centre pour des raisons tant de politique étrangère que de politique intérieure, Chateaubriand se trouva assez vite rejeté dans l’opposition au ministère et, de façon sourde, au souverain. La rupture intervint en septembre 1816, lorsqu’il publia La monarchie selon la Charte où, malgré le conseil que lui avait fait passer Louis XVIII, il critiquait le ministère Richelieu-Decazes, trop complaisant selon lui pour les « intérêts révolutionnaires », et la décision de dissoudre la Chambre introuvable. En représailles, il fut destitué de son titre de ministre d’État, ce qui l’obligea à vendre sa chère Vallée-aux-Loups.
L’ouvrage est une machine de guerre dressée contre Decazes et sa politique. L’auteur dénonce la censure de la presse tout en s’attaquant au Ministère de la police générale. L’ouvrage critique sévèrement les trois Ministères de la Restauration.
L’ouvrage connaitra un succès foudroyant et provoquera la colère de Louis XVIII et de Decazes qui l’interdira et fera détruire les exemplaires saisis.
Chateaubriand sera rayé de la liste des ministres d’Etat et perdra ses honoraires.
Les Mémoires d’Outre-tombe comportent la lettre adressée au comte Decazes par Chateaubriand le 18 septembre 1816 lorsque ce dernier apprend que son ouvrage De la Monarchie selon la Charte a été saisi sur son ordre. En voici un extrait :
« Monsieur le comte,
J’ai été chez vous pour vous témoigner ma surprise. J’ai trouvé à midi chez M. Le Normant, mon libraire, des hommes qui m’ont dit être envoyés par vous pour saisir mon ouvrage intitulé : De la Monarchie selon la Charte.
Ne voyant pas d’ordre écrit, j’ai déclaré que je ne souffrirais pas l’enlèvement de ma propriété, à moins que des gens d’armes ne la saisissent de force. Des gens d’armes sont arrivés, et j’ai ordonné à mon libraire de laisser enlever l’ouvrage.
Cet acte de déférence à l’autorité, Monsieur le comte, n’a pas pu me laisser oublier ce que je devais à ma dignité de pair. Si j’avais pu n’apercevoir que mon intérêt personnel, je n’aurais fait aucune démarche ; mais les droits de la pensée étant compromis, j’ai dû protester, et j’ai l’honneur de vous adresser copie de ma protestation. Je réclame, à titre de justice, mon ouvrage ; et ma franchise doit ajouter que, si je ne l’obtiens pas, j’emploierai tous les moyens que les lois politiques et civiles mettent en mon pouvoir.
J’ai l’honneur d’être, etc.
Vte de Chateaubriand. »
II/ Édition originale de ces célèbres et vibrants mémoires commandés par la famille royale à Chateaubriand en hommage au duc de Berry.
Talvart, III, 19 ; manque à Carteret et à Vicaire.
Cette biographie du duc de Berry, fils de Charles X, parut l’année de son assassinat par Louvel à la sortie de l’Opéra, rue de Richelieu, le 13 février 1820. Père de deux petites filles anglaises par un premier mariage, il les présenta à son épouse, la duchesse de Berry, sur son lit de mort.
Composés « sur les documents originaux les plus précieux » (Avertissement), ces Mémoires renferment des lettres de Louis XVIII, de Charles X, du duc d’Angoulême, du duc de Berry, du prince de Condé, et un fragment de journal inédit.
L’ouvrage reçut une récompense inestimable. La duchesse de Berry voulut en effet que les Mémoires fussent ensevelis avec le cœur de la victime de Louvel.
Précieux exemplaire conservé dans une élégante reliure en maroquin vert finement orné de l’époque.