A Paris, Chez Martin le Ieune, à l’enfeigne du Serpent, deuant le college de Cambray, 1580.
In-8 de (8) ff., 361 pp., (23) pp. de table. Marge ext. du f. de titre restaurée sans atteinte au texte.
Plein maroquin rouge janséniste, dos à nerfs, double filet or sur les coupes, tranches dorées. Reliure signée de Trautz-Bauzonnet.
156 x 106 mm.
« Edition originale d’une pièce aussi intéressante que rare ». (Brunet, supplément, VIII, 133).
B.n.F., En Français dans le texte, n°72 ; Neville, Historical chemical Library, 2006, p. 250 ; Duveen, Bibliotheca alchemica et chemica, p. 446 : « A book of great importance in the history of chemistry and science generally. Extremely rare. »
Un grand livre de science au XVIe siècle.
Figure exemplaire de l’autodidacte, Bernard Palissy (1510-1590) prône l’observation et les vertus de la méthode expérimentale.
Palissy, « L’un des hommes de génie dont s’honore la France », naquit vers le commencement du XVIe siècle au village de la Capelle-Biron, dans le diocèse d’Agen. Remarquable hydraulicien et génial céramiste, Palissy conçut des grottes mystérieuses peuplées de personnages ou d’animaux en céramique où l’eau circulait en animant sans doute ce qu’il appelait ses « rustiques figulines ». Le connétable lui fit alors décerner par Catherine de Médicis le titre d' » Inventeur des rustiques figulines du Roy et de la Royne sa mere « .
Le premier livre de Palissy parut en 1563.
La position privilégiée qu’il occupait dans une habitation royale lui valut, le 24 août 1572, d’être épargné au milieu des massacres de la Saint-Barthélemy. De même qu’Ambroise Paré, il n’échappa à cette horrible boucherie que parce qu’il était au Louvre, où le protégeait l’inviolable majesté et peut-être aussi l’égoïsme craintif du roi. Huguenot ardent, il meurt à la Bastille octogénaire et misérable, refusant d’abjurer.
Le second ouvrage de Palissy, beaucoup plus considérable que le premier, a pour titre : Discours admirables de la nature des eaux et fontaines, tant naturelles qu’artificielles, etc. ; 1 volume in-8, à Paris, chez Martin le jeune, à l’enseigne du Serpent, devant le collège de Cambray, 1580. Ce livre est dédié au sire de Pont, un de ses anciens protecteurs. L’ordre y fait place à l’irrégularité que l’on remarque dans le volume précédent. Les théories y sont bien coordonnées, à l’exception du Traité de l’art de la terre, où Palissy raconte ses infatigables efforts pour découvrir l’émail. Les onze traités qui composent ce deuxième ouvrage fournissent le meilleur aperçu des travaux scientifiques auxquels il s’est livré ; ils se trouvent rangés dans l’ordre suivant : 1° Des eaux, des fleuves, fontaines, puits, citernes, estangs, marez et autres eaux douces ; de leur origine, bonté ; mauvaiseté et aultres qualitez ; avec le moyen de faire des fontaines en tout lieu ; 2° De l’alchimie, des métaux, de leur génération et nature ; 3° De l’or potable ; 4° Du mithridat ; 5° Des glaces ; 6° Des diverses sortes de sels végétatifs ou génératifs et soustenans les formes, en la génération de ces corps terrestres, de leur nature et merveilleux effets ; 7° Du sel commun, la manière de le faire, avec la description des marez salants ; 8° Des pierres tant communes que précieuses ; des causes de leur génération ; des diverses formes, couleurs, pesanteur, dureté, transparence et autres qualités d’icelles ; 9° Des diverses sortes d’argilles, natures et effets d’icelles ; 10° De l’art de terre, de son utilité, des émaux et du feu ; 10° De la marne et de son utilité, avec le moyen de la connaistre et en trouver en toute province.
Le présent recueil de onze traités aborde l’alchimie, qu’il raille avec esprit et l’hydrologie, où il formule une véritable théorie des sources. Agronome, il défend l’usage de la marne (une roche sédimentaire) pour bonifier les terres et proteste contre le déboisement. Géologue avant la lettre, il étudie aussi les fossiles, devinant au surplus qu’il y a des espèces éteintes « des quelles n’en voyons plus ».
Ce livre, qui traite de l’origine des fontaines, de la formation des pierres et des coquilles fossiles, les moyens d’assainir les eaux, l’utilité des marnes dans l’agriculture, est, selon l’appréciation de Duveen: « Extremely rare and a book of great importance in the history of chemistry and science generally« .
Mais le livre reste surtout célèbre pour la description de ses recherches sur la céramique émaillée. Pour y parvenir, Palissy connut seize années de sacrifices et de peine inouïes, allant jusqu’à bruler ses meubles pour assurer la chauffe de ses fourneaux. Les puissants s’intéressèrent aussitôt à sa découverte et le connétable Anne de Montmorency lui demanda de construire une grotte près de son château.
« Les progrès des sciences physiques s’étant manifestés d’une heureuse manière au commencement du XVIIIe siècle, le nom de Palissy fut acclamé par Buffon, Fontenelle, Jussieu et l’ensemble des premiers naturalistes, qui le reconnurent comme le précurseur de leurs idées ».
Précieux exemplaire de cette édition originale rare.
La rareté des Discours admirables se trouve déjà signalée par Brunet, confirmée par Duveen qui la qualifiait d' »extrêmement rare » et qui rappelle que Ferguson ne trouva un exemplaire que « at last, after long, long waiting and watching« .