Vredeman de Vries, Jan (1527-1609), Floris, Cornelis (1514-1575) et Galle, Philippe (1537-1612).
– Hortorum viridariorumque elegantes & multiplicis formae…
Anvers, Philippe Galle, 1583.
In-folio oblong (260 x 323 mm). Titre-frontispice et 20 planches de jardins, numérotées.
Edition originale.
Berlin Kat. 3390 ; Hollstein XLVIII, 470-490.
– [Relié avec] : du même : Jardins.
Anvers, Philippe Galle, c. 1583. 6 gravures numérotées.
Edition originale.
– [Relié avec] : du même : Artis Perspectiuae plurium generum elegantissimae Formulae, [graphic], multigenis Fontibus, nonnullisq[ue] Hortulis affabre factis exornatae, in cõmodum Artificum, eorumq[ue] qui Architectura, aedificiorumq[ue] cõmensurata uarietate delectantur, antea nunquam impressae.
Anvers, Gerardus de Jode, 1568. Titre-frontispice et 17 gravures.
Edition originale.
– [Relié avec] : du même : Puits et fontaines.
Anvers, Philippe Galle, 1573. 24 gravures numérotées sur 12 feuillets, minime déchirure à une planche.
– [Relié avec] : Floris, Cornelis. Veelderleij niewe inventien van antijcksche sepultueren diemen nou zeere ghebruijkende is met noch zeer fraeije grotissen…
Anvers, Jerôme Cock, 1557.
Titre et 15 planches gravées montrant des décorations fantastiques, et des monuments funéraires dans le style grotesque.
Edition originale rarissime.
Reliure en vélin ancien, gardes renouvelées. Titre de la première suite frotté et effrangé avec déchirures marginales et pliure et joint à la garde ; taches à quelques planches.
257 x 326 mm.
“Important album of 5 suites of 16th century Dutch engravings by Vredeman de Vries et Conerlis Floris comprising 3 engraved titles and 82 engravings of gardens, fountains and wells, and grotesque tombs. All bound in an old parchment binding ».
Rare première édition de cette série de 20 planches de jardins associées aux ordres dorique (6), ionique (7) et corinthien (7) : parterres, allées, cours, avec en arrières plans de beaux édifices. Beau titre gravé, sur fond architectural fleuri. Le graveur n’a pas été identifié.
Some of the plates have later been copied by Hans Puechfelder and are used in his work on gardens, published in 1591.
« Un cabinet de curiosités à ciel ouvert.
La Nature conduite par la providence Divine est admirable, en comprenant sous la connexité des cieux, sur la superficie & estendue de la terre tant de sortes d’animaux & vegetaux. Des Vegetaux & plantes, eu esgard aux diverses parties du monde & provinces, le nombre n’en peut estre exprimé, & en une telle multitude & amas il y auroit de la confusion, n’estoit que l’art & industrie humaine, pour perfectionner la Nature a excogité divers compartimens & parterres en forme de croix, de roses, de cœur &c. quelques fois separés, quelquefois entremeslés, pour loger lesdites plantes, comme dans des chambrettes & lieux de reserve. » Daniel Loris, Le thrésor des Parterres de l’univers, 1629.
Dans Le thrésor des Parterres de l’univers Daniel Loris, médecin des ducs de Wurtemberg, invoque la nécessité de perfectionner la nature en compartimentant l’espace, en concevant des « chambrettes » et « lieux de réserves » jardinés destinés à recevoir une collection de végétaux cultivés remarquables. Un « programme » pour « Jardins de plaisir, tracés en compartimans, & garnis de plantes, & arbres curieux » nous est donné, il s’apparente à celui des cabinets de curiosités. Le mot allemand Wunderkammer signifie « chambre de merveilles » et désigne les collections des princes d’Europe à partir des années 1560-1570. Ce phénomène repose sur un regain d’intérêt pour l’antique, pour les sciences naturelles et la géographie.
L’organisation du jardin, telle qu’on la perçoit notamment dans les œuvres de du Cerceau, s’établit clairement selon une composition à un ou plusieurs axes de fuite. Mais cette perspective n’unifie pas la surface du jardin d’une façon tout à fait linéaire. La juxtaposition des parterres, comme le pavement des scènes de Serlio préfigurées par les peintures du quattrocento, compartimente et séquence l’espace du jardin. Le livre IV du Regole generali di architettura publié en 1537 comprend six illustrations de parterre, quatre carreaux rompus et deux dédales. Serlio produit les plus anciens modèles pour la compartimentation et l’ornementation des jardins qui nous soient parvenus. De fait, il s’intéresse à la scénographie de ces espaces et il l’écrit :
Li giardini sono ancor l’oro, parte de l’ornamento della fabrica, per il che queste quatro figure differente qui sotto, sono per compartimenti d’essi giardini, ancora che per altre cose potrebbono seruire, oltra li dua Labirinthi qui adietro che a tal proposito sono.
Ainsi, le jardin de la Renaissance, lieu théâtral a fortiori, est une scène d’illusion en perspective. Dans ce « site idéal », ce microcosme, espace fictif unifié par la « construction perspective », chaque chose, même la plus curieuse, peut trouver sa place.
Les premiers jardins botaniques naquirent à partir du milieu du XVIe siècle et se multiplièrent sur une période assez courte. L’invention des jardins botaniques résulte d’un projet de « didactique du regard » qui s’appuie sur un dispositif scénographique. Rappelons que Daniele Barbaro, un des concepteurs de l’Horto de’i simplici de Padoue (1545), est un traducteur de Vitruve. Dans La Prattica della Perspettiva (1569), il est aussi l’auteur d’une réflexion sur la scénographie comme perspective artificielle ; mais ce n’est pas cet effet de scène qui domine à Padoue. Le jardin est compris dans un cercle de 84 mètres de diamètre, qui symbolise l’univers. À l’intérieur du cercle est inscrit un carré divisé en quatre Spaldi représentant les quatre continents d’où proviennent les plantes. Vus à vol d’oiseau, les Spaldi offrent une profusion de formes et de couleurs obtenues par le fractionnement caractéristique du Parterre de carreaux rompus – ainsi nommé par Charles Estienne dans La Maison rustique (1583). De fait, la parcelle cultivée dessinée à partir d’un pourtraict devient un ornement du jardin. Mais à Padoue, le parterre n’est pas seulement l’élément d’une architecture de jardin à effets décoratifs. Les formes particulières et diverses des Compartiments aident à reconnaître et à situer les espaces. Ainsi, la scénographie codifierait visuellement l’emplacement où se cultive telle ou telle plante et faciliterait l’apprentissage de la botanique basé sur l’identification des végétaux ; il pourrait s’agir d’une forme d’Art de la mémoire ou de méthode des lieux. L’ordonnancement mis au point à Padoue va se retrouver dans presque tous les jardins botaniques fondés aux XVIè et XVIIè siècles. Les formes élaborées dans ces institutions sont les modèles de la plupart des jardins de plantes médicinales et de plantes curieuses.
Le succès de ces « théâtres de terre » encourage donc à la création de collections privées. Selon Claudia Lazzaro, ces espaces nommés giardini variati par Ulisse Aldrovandi, se distinguent des giardini volgari et des medicinali purement pratiques. Agostino del Riccio recommande de suivre le modèle du jardin des plantes de Florence pour la plantation de végétaux exotiques et nouveaux. Une série de planches exécutée pour le jardin botanique de Pise comprend certains modèles de parterres répétant exactement les motifs de Serlio. D’après Lucia Tongiorgi Tomasi cet exemple montre le transfert de l’institution vers le jardin aristocratique. En effet, cette compilation est à la base d’une autre série de dessins réalisée par Bartholomeus Memkins, et destinée au jardin de l’électeur Palatin Ludwig VII de Bavière, amateur de plantes rares. Memkins propose de cultiver une seule plante sur chaque planche du compartiment. Les travaux de Lucia Tongiorgi Tomasi et d’Ada Segré ont montré le détail de la composition des parterres.
Sur la période qui nous intéresse, plusieurs traités d’architecture, d’agriculture ou d’horticulture – Serlio (1537), Estienne (1584), de Serres (1600), Vinet et Mizault (1607), Lauremberg (1631-2), Ferrari (1633) – montrent des plans destinés au dessin des parterres. Un recueil de projets de jardins dessiné par Hans Vredeman de Vries (1587) demeure un précieux témoignage et une source d’inspiration. Un seul véritable livre de modèles rédigé par Daniel Loris en 1629 est connu, il rassemble une suite de plus de deux cents motifs. Des compositions complexes, raffinées et souvent « contre-nature » qui nient parfois l’ordre régulier de la perspective artificielle. Ces modules juxtaposés à l’échelle du jardin, la virtuosité du tracé convertissaient certainement un certain aspect répétitif en une profusion de formes et de couleurs, probable allégorie de « la puissance germinative de la nature ». Aussi, la multiplicité des éléments perceptibles devait effacer et dissoudre dans la masse le dessin des motifs. De fait, la compartimentation en des carreaux garnis de plantes rares cultivées sur des planches aux formes chaotiques, est aussi, en tant que « processus sériel », un phénomène excessif. La compartimentation, outil de la pensée rationnelle, fut-elle détournée par le mouvement maniériste ?
Compartir un jardin en diverses fleurs et figures.
Durant la deuxième moitié du XVIe siècle les compositions à base de fleurs se caractérisaient certainement par leur légèreté. Les floraisons encore très proches de leurs parentes sauvages étaient relativement discrètes tant par la taille que par l’abondance. En résumé, l’évolution des parterres de fleurs se fait du Préau, d’origine médiévale, vers le parterre de bulbes des premières années du XVIIe siècle. Dans les années 1550 on fabrique encore les couronnes et les bouquets de fleurs sauvages dans des préaux en carreaux rompus. On y apprécie l’effet mil fleur ou esmaillé qu’évoque ici Maurice Scève et ailleurs Ronsard ou Catherine des Roches :
Les jardins agencer en maints lieux tournoyés
De promenoirs croisés de berseaux voutoyés,
D’herbes, plantes, semés communes, & satives,
Et odorantes fleurs de mille couleurs vives.
À propos de la dernière suite, de Cornelis Floris: « These panels belong to a series of sixteen diverse ornament and tomb designs after drawings by one of the most prominent architects and sculptors in the Netherlands at the time, Cornelis Floris. Floris drew inspiration from the grotesque ornamentation unearthed in Roman ruins and from the work of contemporary Italian artists influenced by the motifs. These lighthearted inventions were intended to inspire craftsmen and artists”. (Met Museum).
Exceptionnel ensemble à grandes marges réunissant 5 éditions originales rares et rarissimes ornées de 82 gravures du XVIe siècle sur les jardins, et leur embellissement : puits, fontaines etc…
Provenances : Rothschild ; Baron Alexis de Rédé.