A la Haye, chez Adrian Moetjens, Marchand Libraire près de la Cour, à la Librairie Françoise, 1700.
Deux volumes petit in-12 de xvi pp., 732 pp. et (8) ff. de table.
Maroquin bleu nuit, aux angles, quadrilobes mosaïqués de maroquin rouge ornés, pièce centrale chantournée de maroquin beige et losange rouge, ornés de petits fers, large bordure de fleurons dorés, filet doré en encadrement, dos à nerfs ornés de fers et quadrilobes mosaïqués rouge et brun, tranches dorées sur marbrures. Reliure mosaïquée de l’époque.
133 x 74 mm.
La plus précieuse et la plus bibliophilique édition du XVIIe siècle des Œuvres de Clément Marot.
« Jolie édition, la plus recherchée… Il est difficile de s’en procurer des exemplaires bien conservés de marges et dont les feuillets n’aient pas une teinte rousse » mentionne Brunet (Manuel du Libraire et de l’amateur de livres, III, c. 1418). Cas du présent exemplaire, très pur et à très grandes marges (hauteur : 133 mm).
Dans ses élégies, épîtres, ballades, rondeaux, chansons, complaintes, épigrammes et psaumes, Marot apporte en effet le meilleur de l’ancienne poésie française et une inspiration réellement populaire sous le vernis de la politesse de cour.
Poète officiel adulé par François Ier et Charles Quint, Marot marque par son talent la première époque vraiment remarquable de la poésie française dont l’esprit reparaîtra chez La Fontaine qui ne manqua pas de rendre hommage à « Maître Clément ».
De sa grand amye
Dedans Paris, ville jolie,
Ung jour passant melancolie,
Je prins alliance nouvelle
A la plus gaye damoyselle
Qui soit d’icy en Italie.
D’honnesteté elle est saisie,
Et croy, selon ma fantaisie,
Qu’il n’en est gueres de plus belle
Dedans Paris.
Je ne vous la nommeray mye,
Sinon que c’est ma grand amye ;
Car l’alliance se feit telle
Par un doulx baiser que j’eus d’elle,
Sans penser aulcune infamie.
Édition qui se joint à la collection elzévirienne. Les deux fleurons de titre sont semblables dans la bonne édition, tandis qu’ils sont différents dans la réimpression qui a été faite sous la même date. (Ils sont ici semblables).
Cette édition a toujours été prisée des grands bibliophiles et les bibliographes listent le nom de ses illustres détenteurs : Baron Pichon, Comte d’Hoym, Lignerolles, De Backer, La Roche Lacarelle, Didot, Mac Carthy, Pixérécourt, Labedoyere, Solar… Quant à Deschamps (Supplément à Brunet, il mentionne les enchères très élevées atteintes dans les années 1870 par les beaux exemplaires d’une hauteur de marges d’au moins 129 mm : (le présent exemplaire mesure 133 mm) « en mar. doublé de Boyet, exempl. Gaignat, 760 fr. Brunet (0m,137 de haut.) ; en mar. de Padeloup, aux armes du comte d’Hoym, 1 500 fr. Baron Pichon , et serait vendu plus cher aujourd’hui ; en mar. de Bradel, mais de 0m,129 seulement, 250 fr. Bordes ; en maroquin de Trautz, exemplaire grand de marges, annoncé sur papier fort, 705 fr. Benzon ; en mar. de Padeloup, haut. 0m,129, 330 fr. Leb. De Montgermont ; en mar. de Bauzonnet, mais taché de rousseur, 120 fr. Labitte (1870) ; en mar. de Bauzonnet, 200 fr. au catal. Morgand et Fatout, et en mar. de relieurs di secondo cartello, deux exemplaires à 180 fr. au même cat. ; en mar. de Trautz, 400 fr. cat. Fontaine de 1872. Nous citerons encore un délicieux exempl., relié en mar. doublé, par Padeloup, haut. 0m,134 qui fait partie du cabinet de M. de Ganay. »
Rappelons qu’un livre de bibliophilie se négociait à cette époque à compter de 10 fr Or.
Le présent exemplaire, revêtu d’une reliure mosaïquée de l’époque, compte parmi les plus précieux connus.
« Au cours du XVIIIe siècle et spécialement de 1715 à 1775, un petit nombre de relieurs, pour la plupart parisiens, exécutèrent pour certains amateurs des reliures d’un caractère très particulier, décorées en mosaïque d’application de cuirs de différentes couleurs.
La technique employée était connue depuis le XVIe siècle et demeurera utilisée. Elle est très exactement décrite par Dudin sous le nom de « reliure à compartimens » dans son Art du relieur doreur de livres publié en 1772, avec le patronage de l’Académie royale des sciences : « On commence par couvrir son livre en veau blanc ou en maroquin de couleur ou en tel autre fond qu’on veut ; il faut seulement que le cuir soit le mieux choisi et le plus exempt de tous défauts, trous et taches qu’on puisse se procurer. Quand le cuir est bien sec, on pose dessus un dessin tel qu’on le veut exécuter dont les différentes parties sont colorées ; on calque le dessin sur le veau et sur ce calque on colle des morceaux de maroquin teints en diverses couleurs et de toutes les teintes ; on pare ces peaux le plus mince qu’il est possible, de manière qu’on puisse voir le jour au travers ; on les taille en morceaux de la grandeur des parties du dessin qu’ils doivent représenter et on les colle avec de la colle de farine sur la peau, mettant très peu de colle pour ne point faire d’épaisseur ; quand ces morceaux sont collés, on met le livre en presse pendant un certain temps pour qu’ils s’unissent et ne fassent plus, pour ainsi dire, qu’un seul corps avec la peau qui fait le fond… Ensuite on dore tout ce qui est couvert de dessin, de même que tout le fond qui est semé de petits points… On recherche par dessus cet or le contour des fleurs, rinceaux, feuillages et autres parties du dessin, suivant exactement ces contours pour les circonscrire d’un filet d’or qui en termine l’extrémité. »
Les reliures « à compartimens » étaient d’une technique extrêmement minutieuse et d’un prix de revient très élevé, ce qui explique pourquoi les exemples qui nous en ont été conservés sont très peu nombreux. »
Précieuses reliures issues de l’ « Atelier des Petits Classiques » ainsi nommé car le caractère commun de ces rarissimes reliures mosaïquées est de recouvrir de petites éditions classiques.