A Paris, chez Antoine de Sommaville & Augustin Courbé, 1643. Avec privilège du Roy.
In-4 de (8) ff. y compris le frontispice, 121 pp. et (1) f. de privilège. Le privilège est daté du 30 janvier 1643, et l’Achevé d’imprimer à Rouen pour la première fois, aux depens de l’Autheur, par Laurens Maurry, ce 20, jour d’octobre 1643.
Plein maroquin rouge, triple filet doré encadrant les plats, dos à nerfs orné, double filet or sur les coupes, roulette intérieure, tranches dorées sur marbrures. Reliure signée de Thibaron-Joly.
229 x 171 mm.
Lire plus
L’une des grandes originales de la littérature française et l’une des plus rares éditions du Grand Corneille.
Le Petit, p. 158 ; Tchemerzine, II, 546 ; Picot, Bibliographie cornélienne, 26.
Polyeucte fut représenté sur la scène du théâtre du Marais dans les premiers mois de 1643.
« Le succès de ‘Polyeucte’ fut éclatant et rappela celui du ‘Cid’. Les acteurs de l’Hôtel de Bourgogne, qui le représentèrent, y gagnèrent autant d’argent qu’à aucune tragédie profane ». (Picot).
L’on conçoit aisément que le catholique Corneille entraîné par sa poétique de l’admiration à faire accomplir par ses héros des actions toujours plus remarquables, n’ait pu donner comme successeur à Auguste que Polyeucte : seul le héros chrétien l’emporte en magnanimité sur le plus admirable des héros profanes ; seul un saint peut avoir un comportement qui serait jugé invraisemblable chez tout autre homme ; seul un homme animé de la grâce divine peut accomplir des actes qui redeviennent vraisemblables sans cesser d’être extraordinaires. Comme le geste de clémence d’Auguste, les actions de Polyeucte ressortissent exactement à ce vraisemblable extraordinaire que préconisaient sans trop y croire les théoriciens et que Corneille a toujours poursuivi.
Aussi, tandis que les critiques littéraires ne pouvaient qu’approuver la nouvelle tragédie de Corneille, les dévots, qui condamnaient l’idée même de théâtre profane, furent-ils particulièrement choqués de le voir accueillir les choses de la religion. Pour eux, le compromis rêvé par Corneille entre l’esthétique du plaisir et la morale chrétienne – compromis qui permet d’imaginer qu’on puisse faire une œuvre d’art séduisante à partir d’un sujet chrétien – était inacceptable, surtout lorsque l’intrigue osait mêler amour humain et amour divin. Mais l’ensemble du public lui-même, qui fit un triomphe à la pièce, a mal compris (et jusqu’au XVIIIe siècle) le projet de Corneille : il s’est intéressé avant tout à l’intrigue amoureuse et au drame purement humain de Pauline, Sévère et Polyeucte, sans voir que l’histoire des amours de Pauline et de Sévère, aussi touchante et délicate que celles des bergers de la pastorale contemporaine, est inséparable de l’histoire de Polyeucte, dont l’héroïsme serait inconsistant s’il ne s’inscrivait au cœur de l’histoire d’amour. Corneille, dans son « Examen de Polyeucte », qu’il rédigea plus tard, définit assez justement le style de Polyeucte en le comparant à celui de ses autres tragédies : « Le style est souvent d’une beauté qui force l’admiration : les fameuses « Stances » sont un des plus beaux morceaux de tout le théâtre de Corneille. »
La tragédie de Corneille a donné naissance à plusieurs œuvres musicales. La première en date est l’opéra en trois actes de Gaetano Donizetti (1797-1848), dont la représentation fut interdite à Naples par le gouvernement des Bourbons et qui vit le jour finalement à Paris, en février 1840, dans une adaptation française de Scribe.
Parmi les autres œuvres inspirées par Polyeucte, la plus connue est l’opéra du compositeur français Charles Gounod (1818-1893), représenté à Paris en 1878.
Fort bel exemplaire à grandes marges de l’une des plus rares éditions originales de Corneille, provenant des bibliothèques Eugène Paillet et Robert Hoe avec ex-libris, relié en maroquin rouge de Thibaron-Joly.
Voir moins d'informations