A Paris, Aux dépens de Rigaud, Directeur de l’Imprimerie Royale, 1721-1723.
2 volumes in-12 de : I/ (2) ff., 520 pp., (14) ff.; II/ (6) ff., 474 pp., (13) ff.
Maroquin olive, dentelle en encadrement sur les plats avec fleurons d’angle, armes frappées or au centre, dos lisses ornés de fines roulettes et de fleurs dorées, filet or sur les coupes, roulette intérieure dorée, doublures et gardes de soie rose, tranches dorées. Riches reliures à dentelle du règne de Louis XV attribuables à Derome.
166 x 125 mm.
La plus belle édition ancienne des Exhortations et instructions chrétiennes de Bourdaloue.
« Cette édition in-12 est la meilleure de ce format » (Brunet, I, 1175).
A partir de 1670, Bourdaloue devint « prédicateur du Roi ». On sait en effet que, chaque année, à la fin du Carême, le grand aumônier présentait à Louis XIV une liste des orateurs sacrés qui avaient été les plus suivis à la ville ; le roi désignait lui même deux orateurs l’un pour l’Avent, l’autre pour le Carême. Ceux-ci conservaient par la suite le titre de prédicateur du Roi. Il était de tradition qu’un sermonnaire ne revint pas plus de trois fois devant la Cour. Bossuet y avait prêché quatre fois, Bourdaloue tint la chaire de la chapelle royale jusqu’à dix fois. Il prêcha en effet devant le roi les Avents de 1670, 1684, 1686, 1689, 1691, 1693, ainsi que les Carêmes de 1672, 1674, 1675, 1680 et 1682. La faveur dont il jouit dépassa donc de beaucoup celle de Bossuet et, à n’en juger que par le succès qu’il eut en son temps, on peut dire que Bourdaloue fut sinon le plus grand prédicateur du siècle de Louis XIV, du moins le plus suivi. Les contemporains, et particulièrement Madame de Sévigné, dans ses Lettres, se font les échos des triomphes de cet homme qui sut cependant rester modeste. Bossuet lui-même appréciait fort ses mérites, puisqu’il tenta à plusieurs reprises de l’attirer dans son diocèse. Autre attrait, la sûreté du style et de la parole, qui complète la rigueur de sa pensée.
De plus, Bourdaloue reste toujours accessible ; il est constamment proche de son public, il le connaît admirablement, il en sait les points faibles – et Madame de Sévigné pouvait écrire : « Il frappe comme un sourd… Sauve qui peut ! » Autre mérite fort sensible de son temps, Bourdaloue émaille ses sermons de portraits, peints sur le vif ; il évoque le courtisan dans sa pensée quotidienne, dans son attitude vis-à-vis de ses devoir religieux. Enfin, – et c’est là sans doute le plus important, – Bourdaloue est un moraliste chrétien ; il est le moraliste chrétien par excellence du siècle de Louis XIV. La connaissance des Ames acquise dans la direction spirituelle des consciences, il la met à profit dans ses Sermons. Sa morale est essentiellement pratique, toujours précise et particulière. Dans l’analyse des passions, il vaut La Bruyère et parfois le dépasse. Il est certain que son influence pratique et immédiate fut très grande sur la vie de ses contemporains.
Merveilleux exemplaire relié en maroquin olive à dentelle de l’époque pour Madame Victoire, la fille du roi Louis XV, attribuable à Derome.
Il figure sous le n°15 du catalogue des livres de la bibliothèque de Madame Victoire reproduit dans Quentin-Bauchart (Les Femmes bibliophiles de France, p. 160) et y est ainsi décrit : « Charmant exemplaire admirablement conservé, et portant l’ex libris de Madame Victoire collé à l’intérieur de chaque volume (ici anciennement décollé). Bibliothèque de Versailles. Réserve. »
« Madame Victoire était belle et très gracieuse. « Son accueil, son regard, son sourire étaient d’accord avec la bonté de son âme ». Elle vivait avec la plus grande simplicité. Sans quitter Versailles, sans faire le sacrifice des commodités de la vie, ni de la moelleuse bergère à ressort qu’elle ne quittait jamais et qui la perdait, disait-elle, elle n’oubliait aucun devoir, donnait aux pauvres tout ce qu’elle possédait, et se faisait adorer de tout le monde. On raconte qu’elle n’était pas insensible à la bonne chère, mais elle rachetait ces péchés de paresse et de gourmandise par une humeur toujours égale et par une inépuisable bienveillance.
M. le baron Jérôme Pichon possédait également un catalogue manuscrit de la bibliothèque de Mesdames, celui de Madame Victoire, dont les livres ne sont pas moins intéressants que ceux de Madame Sophie. Quelques-uns sont remarquables : les Fables de la Fontaine avec les figures d’Oudry, reliées en maroquin vert à large dentelle sur les plats, la Représentation des Fêtes données par la ville de Strasbourg, à l’occasion de la convalescence du Roi, magnifique volume in-folio relié en mosaïque par Padeloup, et le Bourdaloue, relié par Derome, également de la Bibliothèque de Versailles, sont des livres de premier ordre. La plupart, comme on le verra dans la description que nous en faisons plus loin, sont dignes de prendre place dans les meilleures bibliothèques. » (Quentin-Bauchart, Les Femmes bibliophiles de France, pp. 123-130).